mercredi 25 janvier 2012

Citations DES RAISINS DE LA COLÈRE


Citations     DES RAISINS DE LA COLÈRE
Force reste à la loi :
les règles coercitives d'une politique économique
'''La banque ou la compagnie ... a besoin ... veut ... insiste ... exige'
comme si la banque ou la compagnie étaient des monstres doués de
pensée et de sentiments qui les avaient eux-mêmes subjugués. Ceux-là
se défendaient de prendre des responsabilités pour les banques ou les
compagnies parce qu'ils étaient des hommes et des esclaves, tandis que les banques étaient à la fois des machines et des maîtres." (p. 48)
''
Nous regrettons, disaient les représentants. La banque, le proprtaire
de cinquante mille arpents ne peuvent pas être considérés comme
re
sponsables. Vous êtes sur une terre qui ne vous appartient pas." (p. 51)
"
Le système de métayage a fait son temps. Un homme avec un trac-
teur peut prendre la place de douze à quinze farrùlles. On lui paie un
salaire et on prend toute sa récolte." (p. 49-50)
"Ce vignoble appartiendra à la Banque. Seuls les grands proprié-
taires peuvent survivre, car ils possèdent en même temps les
fabriques de conserve." (p. 491)
Justice et pratique sociale: l'opposition de la conscience
"si vous pouviez savoir que Paine, Marx, Jefferson, Lénine furent
de
s effets, non des causes, vous pourriez survivre [ ... ] le fait de
p
osséder vous congèle pour toujours en 'Je' et vous sépare toujours
du 'Nous'." (p. 211-212)
Nous avons faim, dit l'homme [ ... ] Vous ne pouvez pas avoir une
m
iche de pain pour dix cents. Nos miches sont à quinze cents. [ ... ]
Derrière elle Al grogna
. Eh bon Dieu, Mae, donne-leur du pain." (p. 222)
"L'adjoint
, assis sur le sol, leva de nouveau son revolver quand
soudain
, se détachant du groupe, le révérend Casy fit un pas en
avant
. D'un coup de pied, il atteignit l'adjoint à la nuque, puis il
recula, tandis que le gros homme s'affaiss
ait, évanoui." (p. 372)
"Eh bien, dis-leur à tous ce qui se passe, Tom. Dis-leur qu'ils nous
affament et qu'ils se font du tort à eux-mêmes." (p. 539)
"Non, on ne peut pas accepter ça. On ne peut pas se nourrir à ce
tarif-là, on ne peut pas s
'acheter à manger." (p. 539)
La responsabilité de l'État : le Droit face au respect des droits
"C'est mon grand
-père qui a pris cette terre, et il a fallu qu'il tue les
Indiens, qu'il les chasse
. Et mon père est né sur cette terre, [ ... ] Et
nous on est nés ici, là
, sur la porte ... nos enfants aussi sont nés ici."
(p. 50)
"Allez-vous-en. Moi ... je reste. J'y ai bien réfléchi, [ ... ]. C'est mon
pays, ici
. C'est ici ma place." (p. 156)
La justice au service de l'Institution : la peur du désordre
"N'écoutez pas ces salauds de rouges, les amis. Ils ne cherchent
qu
'à faire du chambard et à vous attirer des histoires." (p. 371)
"Si encore c'était vraiment pour faire respecter la loi, on le suppor-
terait. Mais ils ne représentent pas la loi. Ils tâchent à nous démolir
le moral
.[ ... ] Ils voudraient nous réduire. [ ... ] C'est not' dignité
qu'ils veulent nous enlever
." (p. 392)
Fonder la justice sociale sur un principe de solidarité
"Travailler tous pour une même chose - cultiver notre propre
terre."
(p. 589)
"Tenez, prenez cette couverture. Elle est en laine. C'était la couver-
ture de ma mère ... prenez-la pour votre bébé." (p. 211)
"Et là où il y aura des gens sur la route, je serai avec eux." (p. 82)
"Vers le soir, il se passait une chose étrange : les vingt familles ne
formaient plus qu'une seule famille
, les enfants devenaient les
enfants de tous
." (p. 270)
"'Deux valent mieux qu'un', car ils sont mieux payés de leurs
peines [
... ] s'ils tombent, l'un aidera l'autre à se relever." (p. 588-
89)
"Maintenant je sais qu'on ne peut arriver à rien tout seul." (p. 588)
Surveiller, punir, exclure, stigmatiser: la culture de l'injustice
"Au lieu d'augmenter les salaires, elles employaient l'argent à faire
l'acquisition de grenades à gaz
, de revolvers, à embaucher des
surveillants et des marchands
, à faire établir des listes noires, à
entraîner leurs troupes improvisées
." (p. 399)
"Et les tracteurs ne sont pas encore venus les chasser ?" (p. 17)
"Les gens tout seuls sur les routes
, les gens sans foyer, qui n'ont
nulle part où aller. Ils devraient avoir un foyer
, quelque chose. Peut-
être
... " (p. 81)
"j'ai réfléchi un sacré bout à la question - à me dire que les nôtres
viv
aient comme des cochons avec toute cette bonne terre qu'était en
friche
, ou dans les mains d'un type qu'en a p'têt' bien un million
d'arpents
, pendant que plus de cent mille bons fermiers crèvent de
fa
im." (p. 589-590)
"Les commerçants les détestaient parce qu'ils n'avaient pas d'ar-
gent à dépenser." (p. 327)
"Des étrangers, tout ça. Ils parlent la même langue que nous, d'ac-
cord, mais ils ne sont quand même pas pareils à nous." (p. 331)
Philosophie politique et approche idéologique
"Les richards, ils viennent et ils passent et leurs enfants sont des
bons à rien, et leur race s'éteint.Mais des nôtres, il en arrive tout le
temps. Ne te tracasse pas, Tom. Des temps meilleurs viendront."
(p. 395)
"Des effets, non des causes : des effets, non des causes [ ... ]" ; "Les
causes sont profondes et simples... Les causes sont la faim, une
faim au ventre multipliée par un million." (p. 209)
"Les petits fermiers voyaient leurs dettes augmenter, et derrière les
dettes, le spectre de la faillite.[ ... ] Le travail de l'homme et de la
nature, le produit des ceps, des arbres, doit être détruit pour que se
maintiennent les cours, et c'est là une abomination qui dépasse
toutes les autres
." (p. 491)
"Car le 'J'ai perdu ma terre' a changé; une cellule s'est partagée en
deux et de ce partage naît la chose que vous haïssez: 'Nous avons
perdu notre terre'
. C'est là qu'est le danger, car deux hommes ne
sont pas si solitaires, si désemparés qu'un seuL
" (p. 211)
"Et de ce premier 'nous' naît une chose encore plus redoutable:
'
J'ai encore un peu à manger' plus 'Je n'ai rien'. Si ce problème se
résout par 'Nous avons assez à manger' la chose est en route, le
mouvement a une direction
." (p. 211)
"Voilà ce qu'il faut bombarder. C'est le commencement... du 'Je'
au 'Nous'." (p. 211)
Représentation allégorique
Le destin du héros est de rétablir la justice: "Tout ce que tu fais, tu
ne le fais pas seulement pour toi, ça va chercher plus loin
. C'est
quand on t
'a mis en prison que je l'ai compris. Tu es un élu, Tom."
(p. 497-498)
Les atteintes de l'agrobusiness au monde de la nature servent à
symboliser l
'injustice: "l'homme machine qui conduit un tracteur
mort sur une terre qu
'il ne connaît pas, qu'il n'aime pas", (p. 162)
face aux vibrations d'une vie proche de la nature: "quand un cheval
a fini son travail [
... ] il reste encore de la vie [ ... ] il Y a la chaleur
de l
a vie [ ... ]1' ardeur et l'odeur de la vie." (p. 161)
La souffrance du Juste
"Partout où il y aura une bagarre pour que les gens puissent avoir à
manger, je serai là." (p. 590)
"Partout où y aura un flic en train de passer un type à tabac, je serai
là." (p. 590)
"dans les cris des gens qui se mettent en colère parce qu'ils n'ont
rien dans le ventre, je serai là" (p
. 590)
L'écrivain justicier.
De la Justice divine à la justice humaine
"craignez le temps où l'Humanité refusera de souffrir, de mourir
pour une idée, car cette seule qualité est l
e fondement de J'homme
même." (p
. 210)
"Les grandes compagnies ne savaient pas que le fil est mince qui
sépare la faim de la colère [ ... ] et la colère commence à luire dans
les yeux de ceux qui ont faim
. Dans l'âme des gens, les raisins de la
colère
se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges
prochaines." (p. 399, p. 492)

"Y a pas de péché, y a pas de vertu. Y a que ce que les gens font.
Tout ça fait partie d'un tout" (p. 37)

"Non, j'connais personne du nom de Jésus. J'connais des histoires,
ça oui, mais il n'y a que les gens que j'aime. Et des fois j'les aime
à en éclater.
" (p. 37)
"Peut-être bien que les hommes n'ont qu'une grande âme et que
chacun en a un petit morceau.
" (p. 38)
"Écoutez les amis [ ... ] Vous ne vous rendez pas compte de ce que
vous faites
. Vous aidez à affamer des petits enfants." (p. 543)
"Il y a là un crime si monstrueux qu'il dépasse l'entendement. Il y
a là une
souffrance telle qu'elle ne saurait être symbolie par les
larmes. Il y a là une faillite si retentissante qu'elle annihile toutes les
réussites antérieures." (p. 492)
"Pourquoi qu'on s'met pas une vingtaine et qu'on n'prend pas un
morceau de terre
? On a des fusils." (p. 331)
"Les nôtres s'arrangeaient très bien tout seuls; quand il y avait une
bagarre, ils liquidaient l'affaire eux-mêmes; et y avait pas de flics
qui venaient vous secouer leu
r revolver sous le nez, et pourtant il y
avait beaucoup moin
s de grabuge qu'avec toute cette police et
toutes leurs histoires
." (p. 589)
"Foutre à la porte tous ces flics qui n'ont rien à voir avec nous, qui
ne sont pas des nôtres." (p. 589)
"Nous sommes ceux qui vivront éternellement. On ne peut pas nous
détruire. Nous sommes le peuple et le peuple v
ivra toujours."
(
p. 395).

vendredi 20 janvier 2012

Programme de Colle de Mathématiques semaine 15

Programme de colle de Physique semaine 15

IMPORTANT : inversion de dates colles Caml

Attention : les séances Maple des 3 et 10 février sont inversées :


MP1 le 03 et MP2 le 10


de ce fait l'ordre des TP des vendredi 3 et 10 février est inversé : 
on aura donc:    pairs à 14h impairs à 16h le 3 
                    et impairs à 14h et pairs à 16h le 10

mercredi 18 janvier 2012

IMPORTANT : Modification d'emploi du temps

A partir du mercredi 1er février, les matinées des vendredi et mercredi matins sont inversées, et ce jusqu'au retour de Mme Cosnefroy

Ce qui donne

Mercredi 8-10 Maple C 203
Mercredi 10-12 Maths D 203

Vendredi 8-10 Maths D 206
Vendredi 10-12 Français D 203

Texte de Fiasse


LES INCOGNITOS DU PARDON AU NIVEAU JUDICIAIRE, LA JUSTICE RÉPARATRICE Gaëlle Fiasse



Il n’est pas rare de constater que le thème de la justice fasse obstacle à celui du pardon. Bien que ce point ait déjà été abordé à propos du déliement de l’action, il convient d’approfondir le rapport du pardon et de la justice vu l’ampleur des débats attenants à cette problématique. Les questions de l’opinion commune, lorsque le thème du pardon entre en scène, sont les suivantes. Est-ce que pardonner signifierait oublier ? Effacer l’injustice commise ? Si le pardon est possible, conduit-il à penser que l’auteur des crimes ne doit pas être jugé ? De telles questions peuvent surprendre, mais elles ne sont pourtant pas si loin des débats qui ont entouré les écrits de Vladimir Jankélévitch, puisque lui-même liait au thème de l’impardonnable, la déclaration d’imprescriptibilité des crimes par rapport à la Shoah, l’autorisation de poursuivre indéfiniment les auteurs de ces crimes immenses. Cependant, n’est-on pas dans deux registres tout à fait différents ? D’un côté le travail de justice, de l’autre la question du pardon qui ne peut engager que chaque personne individuelle, dans son histoire. Il faudrait donc distinguer d’un côté les règles de justice qui concernent aussi le bien commun, de l’autre le for intérieur. Comme l’exprime Ricoeur, ce sont des personnes qui pardonnent à des personnes, non des tribunaux. La faute s’avère impardonnable de droit. L’infraction des règles communes conduit au punissable. Si le pardon consiste à ne pas punir, il s’avère impossible dans le cadre institutionnel, car il conduirait à lever la sanction punitive, autrement dit « à ne pas punir là où on peut et où on doit punir ».
Le pardon créerait de l’impunité, ce qui serait une grande injustice. C’est pourquoi, Ricoeur prend garde de distinguer le pardon de l’amnistie. L’amnistie appartient à l’instance politique et elle apparaît comme une antithèse du pardon, puisqu’elle est un oubli, alors que le pardon requiert la mémoire. Toutefois, Ricoeur ne manque pas non plus de parler de ces incognitos du pardon, selon l’expression de Klaus Kodalle, autrement dit d’un esprit de pardon au niveau judiciaire.

Bien que l’auteur fasse souvent référence au problème des génocides, il n’ignore pas que pour arriver à circonscrire un sujet, il est préférable de ne pas commencer par les situations limites qui touchent à l’injustifiable, l’irréparable, l’imprescriptible, voire l’impardonnable. Il suggère donc de ne pas garder à l’esprit les crimes extrêmes, mais de revenir aux crimes de droit commun. En aucun cas, il ne minimise le devoir de la justice. Le pardon ne doit pas être institutionnalisé, car il conduirait à de l’impunité, mais il peut néanmoins s’exprimer sous un autre mode, principalement dans des gestes qui « désignent la place inéluctable de la considération due à tout homme, singulièrement au coupable ». Il note que ce sont les crimes qui sont jugés, mais que ce sont les individus qui sont châtiés. Nous avons vu comment il insiste sur la possibilité de délier l’agent de l’action, ce qui veut dire que si la justice doit en effet condamner l’action, le coupable doit néanmoins recevoir « la considération, ce contraire du mépris », « car les coupables restent des hommes comme leurs juges ».
Les retombées du pardon sur la justice consisteraient en des manifestations de compassion et de bienveillance dans la manière d’administrer la justice. Ricoeur soulève plusieurs enjeux de cette culture du non-mépris, des opérations de police, de la présomption d’innocence au déroulement du procès. Il relève notamment le déséquilibre qui s’établit pour certaines personnes qui n’ont pas facilement accès à la discussion, ceux qu’il nomme les exclus de la parole. Enfin, confie-t-il, si nous n’arrivons pas à étendre cette considération aux auteurs des crimes immenses, « cela reste la marque de notre incapacité à aimer absolument ».

L’articulation de la justice et de l’esprit de pardon se retrouve dans les trois pôles du judiciaire, au niveau de la loi, de la victime et du condamné. Dans son article « Le juste, la justice et son échec », Ricoeur fait part de son souci majeur de voir les limites de la violence exercée par la justice au nom de l’État. Il insiste sur l’importance « de dire une parole de justice au nom du peuple », mais il problématise l’idée de faire souffrir au nom de l’État, ce qu’il nomme aussi la pénibilité de la peine. Il place certes son analyse dans une rubrique intitulée « l’horizon utopique de la justice non violente », mais cette notion d’utopie ne doit pas nous méprendre. Ricoeur déclare évidemment qu’il ne voit pas « qu’une société politique bien ordonnée puisse subsister sans un système de codes articulés par des interdictions majeures, protégés par des sanctions connues et imposées par la force ». De la même façon qu’il critiquait l’abus d’autorité de l’État en rappelant la nécessité de ne pas effacer le pouvoir en commun, notion chère à Hannah Arendt, Ricoeur considère que le respect de la loi doit être pensé avec le « concept proprement politique d’ordre public », du devoir de protéger les citoyens.
Il dénonce en effet la mythologisation de la justice vengeresse et la terreur éthique de l’accusation, un processus d’accusation qui ne serait sans doute jamais totalement humanisé. L’esprit du pardon dans la justice consiste dès lors à éradiquer cette composante sacrée de la vengeance47. S’agissant du droit à la sécurité, Ricoeur invite à le penser non seulement comme victime potentielle, « mais aussi peut-être comme offenseur potentiel ».

Après avoir décrit le point de vue de la loi, Ricoeur se tourne vers la victime, sur son besoin d’intégrité et de reconnaissance rendus possible grâce au tribunal et au procès criminel. Alors que pour la loi, Ricoeur soulignait les risques d’une éthique de la vengeance, notamment par la surcharge de terreur attachée à la loi. Pour la victime au contraire, le plus à craindre n’est sans doute pas les excès de la plainte ou du désir de vengeance qui certes demeurent, mais bien le risque que certains citoyens n’aient pas les mêmes chances de comparaître que les autres, en particulier les citoyens les plus pauvres. Ricoeur alors de souligner ensuite « le souhait légitime de recevoir réparation pour l’intégrité physique et l’intégrité morale bafouées ».

Après avoir confié ses perplexités et ses attentes vis-à-vis de la loi et de la victime, il se penche vers le troisième pôle, qui est celui des condamnés. Le défi est de taille puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’examiner le désir de satisfaction pour les condamnés. Ricoeur mentionne les projets de réhabilitation qui incluent « la perspective d’une réintégration dans la communauté des citoyens et d’une restitution de la plénitude des droits afférant à la citoyenneté ». Mais son désir ne s’arrête pas là. Il termine son étude en faisant part d’un « rêve », celui d’une ultime comparution entre l’offensé et l’offenseur. Ce rêve est évidemment lié à la justice que l’on nomme réparatrice, aussi appelée restauratrice, reconstructive. Dans La mémoire, l’histoire, l’oubli, Ricoeur mentionne le cas atypique de la commission « Vérité et réconciliation » en Afrique du Sud, qui est selon lui un exemple de justice réparatrice, « une forme publique du travail de mémoire et de deuil au service de la paix publique ». La justice réparatrice met l’accent sur la victime et sur son besoin de reconnaissance du mal subi. Dans un processus de justice réparatrice, comme il est pratiqué par exemple dans certaines prisons, des victimes rencontrent effectivement des détenus, des offenseurs du même crime dont elles ont souffert, même si elles ne rencontrent pas leur offenseur direct. Par exemple, une victime d’inceste rencontre quelqu’un qui est emprisonné pour avoir commis un inceste. Cette rencontre ne se produit que sur base volontaire des deux protagonistes. Grâce à des médiateurs, la victime et le détenu ont la possibilité de faire mémoire et récit de ce qui s’est passé. La victime a alors la possibilité d’exprimer sa souffrance et bien souvent une transformation s’opère à la fois pour elle et pour le condamné. On assiste donc à ce que Ricoeur suggérait, à une façon pour le détenu de « s’employer à faire mémoire et récit du rapport violent qu’il eut avec sa victime », même si, rappelons-le, il ne rencontre pas sa victime directe. Il s’agit d’une approche de médiation, en d’autres termes d’une manière de repentance, ou comme il le nomme, d’un incognito du pardon. Ces différents exemples nous montrent en quoi l’analyse de Ricoeur sur le pardon permet véritablement d’envisager un esprit du pardon comme au-delà de l’action, sans pour autant nier la prise en compte de la faute. En conclusion, nous avons vu que Ricoeur ne veut pas mésestimer l’action mauvaise. La profondeur de la faute, impardonnable de droit, est maintenue face à la hauteur du pardon. Ricoeur parle d’un pardon comme déliement de l’action. Si la culpabilité n’est pas niée, l’auteur de la faute ne se voit pas pour autant réduit à l’action négative qu’il a commise. La parole du pardon, lorsqu’elle est prononcée, énonce que l’agent vaut mieux que ses actes. Il est rendu à sa capacité d’innover, comme l’a montré Hannah Arendt. En réponse à Jacques Derrida qui voit dans le repentant une personne meilleure que l’auteur du crime, Ricoeur insiste sur les différentes dimensions de l’homme capable et il considère que la puissance d’agir ne se limite pas à ses différentes effectuations, même s’il reconnaît la radicalité de la culpabilité. Le pardon fait donc appel aux ressources de régénération du soi et au fond de bonté présent en l’homme.

Cet au-delà de l’action est par ailleurs favorisé par l’économie du don de l’éthique ricoeurienne, même s’il demeure sous un mode optatif. Ricoeur se sert de la règle d’or et du commandement extrême d’aimer ses ennemis pour inscrire le pardon dans une éthique de la surabondance. La dissymétrie établie par la règle d’or entre l’agent et le patient se retrouve dans le contraste entre le pardon et la faute. Le commandement d’aimer ses ennemis, version extrême de la règle d’or, établit un point de rupture avec une vision utilitariste de l’agir, et il permet de prendre en compte l’inconditionnalité du pardon, soulignée par Jacques Derrida, mais il ne ruine pas pour autant l’espoir d’une relation réciproque. De la même façon, l’aveu qui conduit au pardon ne peut être conçu comme une transaction marchande, mais l’espoir qu’il soit prononcé et reçu demeure. Sur le plan judiciaire, l’au-delà de l’action ne doit pas conduire à l’impunité, mais
il doit favoriser la considération due au coupable et l’abandon de la vengeance. Il ne peut se traduire que par des gestes. Le cas de la justice réparatrice témoigne d’un échange possible entre victimes et détenus où la faute est maintenue, la nécessité de l’aveu reconnu, et l’apaisement conçu et espéré comme un autre incognito de l’esprit du pardon.