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lundi 3 septembre 2012
samedi 16 juin 2012
vendredi 15 juin 2012
mercredi 6 juin 2012
mardi 5 juin 2012
mercredi 30 mai 2012
lundi 28 mai 2012
vendredi 25 mai 2012
mardi 15 mai 2012
Reprise
MP.1 – PRÉPARATION A
L’ORAL – 2011/2012
COURS-TD-TIPE : REPRISE LE JEUDI 24 MAI
2012
Pendant
la préparation à l’oral, le matin est consacré aux TD (2h de maths et 2h de
physique), l’après-midi aux TIPE et aux colles.
Lundi : 8h10 -> 10h10 : Maths (D.203)
10h20 -> 12h15 : Physique (F.201)
14h -> 16h : TIPE (F.201)
Mardi :
8h10 -> 10h10 : Physique (F.201)
10h20 -> 12h15 : Maths (D.203)
14h -> 16h : TIPE (Salle F.109)
Mercredi : 8h10 -> 10h10 : Maths (D.203)
10h20 -> 12h15 : Physique (F.109)
14h -> 16h : TIPE (F.107)
Jeudi :
8h10 -> 10h10 : Physique (F.201)
10h20 -> 12h15 : Maths (D.203)
14h -> 16h : TIPE (F.109)
Vendredi : 8h10 -> 10h10 : Maths (D.203)
10h20 -> 12h15 : Physique (F.305)
PASSAGES EN TIPE
Après
les épreuves écrites, il faut mettre en forme le TIPE et préparer des
transparents, peut-être non définitifs mais de préférence déjà dactylographiés.
Prévoir aussi un transparent pour la bibliographie, ou alors faire figurer la bibliographie sur le même
transparent que le plan, si celui-ci n’est pas trop long.
Le TIPE devra être présenté comme au concours, en 10
minutes, en respectant les
consignes données par écrit au début de l’année (à relire donc).
Le planning des premiers passages est dans le message précédent du blog.
Il y aura pour chacun un second passage 8 à 15 jours plus tard.
Les transparents
sont obligatoires et doivent être faits en dehors du lycée.
mercredi 18 avril 2012
jeudi 12 avril 2012
Pensez-vous que la révolte soit nécessaire à l’établissement de la justice ?
Pensez-vous que la révolte soit nécessaire à l’établissement de la justice ? (réflexion menée à partir de l’homme révolté de Camus)
Dissertation :
Introduction
Camus, dans son essai L’homme révolté (1951), écrit dans le contexte d’une polémique avec Sartre sur l’action révolutionnaire, déjà abordée à travers des œuvres théâtrales (Les Justes, 1949, pour Camus et Les Mains sales 1948 pour Sartre) fait le procès de l’aveuglement du révolté qui peut être tenté par le crime au nom de son idéal. C’est pourquoi la figure du terroriste est centrale dans la littérature du milieu du XXè siècle (Malraux avait déjà construit l’ouverture de son roman La condition humaine en 1933 sur cette réflexion : le roman s’ouvre sur le geste de Tchen : est-il un criminel ou un révolutionnaire ?).
Etre victime d’injustice fait naître le sentiment qu’il existe un idéal de justice qu’il s’agit alors de revendiquer, que ce soit par la parole ou l’action violente, en tout cas par une forme de révolte. Est-ce à tort ou à raison ? La révolte est-elle nécessaire à l’établissement de la justice ? Ce mouvement de révolte (étymologiquement, « révolter » vient de « revolvere », retourner), qui consiste comme le dit Camus, à dire non à l’autorité, à l’ordre établi, à se dresser contre l’autorité politique en place, ce mouvement collectif permet-il l’établissement ou le rétablissement de la justice ? A quel prix, pour lui et pour son groupe, l’homme révolté va-t-il payer son insoumission ? Car la révolte n’est jamais qu’un passage – fût-il obligé – vers un ordre plus juste et donc vers un dialogue restauré.
C’est ce problème central du rapport entre justice et révolte qu’interrogent à leur tour les œuvres d’Eschyle dans l’Orestie, de Pascal dans les Pensées et Steinbeck dans Les Raisins de la colère : chacun envisagera la lutte pour une plus grande justice au regard des dangers que représentent la violence et le chaos générés par exemple par la révolte d’Oreste ou celle des fermiers de l’Oklahoma.
Nous examinerons d’abord les causes et les manifestations de la révolte dans son exigence de justice. Puis nous montrerons quels dangers la révolte fait courir à la société humaine lorsqu’elle se produit en faisant usage de la violence. Enfin nous réfléchirons aux pistes qui s’offrent à l’homme pour imposer cette exigence de justice en dépassant ou en contournant l’étape de la révolte.
I/ La révolte est l’expression nécessaire d’une exigence morale de justice :
Quelles sont les causes et les manifestations de cette exigence morale ?
- Le révolté est un homme qui décide de dire non à un ordre injuste :
· On rappelle d’abord qu’aucun ordre social n’est juste selon Pascal (relativité des lois, fr 56 Le G) et donc cette relativité des lois est la faille qui permet à l’homme de s’insurger contre des lois qu’il peut juger iniques au nom d’autres valeurs.
- Le révolté est d’abord un homme qui souffre d’une situation injuste. La révolte peut commencer par l’expression de la plainte qui peut ensuite se transformer en colère (RDC) et en action violente ou crime (Choéphores). Ce moment de la plainte est essentiel dans Eschyle, le Kommos marquant le moment où les héros se tournent vers l’Autre, (les dieux, le père) pour demander leur aide et exprimer l’espoir d’un soulagement.
- Il prend progressivement conscience de l’injustice dans laquelle il vit : Tom Joad, Casy, les hommes du breaking through. Le révolté est un homme qui chemine vers la liberté (d’où l’idée du roman initiatique pour Les Raisins de la colère). Casy se révolte au début du roman contre l’idée du péché ; Tom Joad, d’abord dans une révolte contre son propre sort de criminel, va peu à peu prendre conscience des injustices faites aux Okies (« Si encore c’était vraiment pour faire respecter la loi, on le supporterait. Mais ils ne représentent pas la loi » p 392 ) puisse lancer dans une lutte au profit de la collectivité. La révolte est donc générée par un long processus de maturation, (cf la métaphore des « raisins de la colère ») tant individuelle que collective.
- Ce non est aussi désir d’instauration d’une limite : comme le dit Camus, quelque chose en trop a été commis. On peut évoquer ici le maskalismos : le geste éminemment transgressif de Clytemnestre n’est pas tant le crime que la mutilation du corps du père. La transgression d’une limite entraîne chez la victime une autre transgression : la révolte contre l’ordre et l’autorité. On remarquera que cette même attitude indignée sera remarquée chez les Erinyes dans Les Euménides contre le geste d’Oreste. Ce qui prouve bien que la révolte génère une nouvelle injustice (voir partie II)
- La révolte est ensuite un passage à l’acte : l’homme révolté se dresse CONTRE
· L’homme révolté est en quelque sorte l’anti squatter (Steinbeck), c’est le contraire de l’homme qui se couche ou qui accepte de mourir : Meurtre de sa mère pour Oreste, la révolte de Muley contre les expulsions et sa résistance SEUL contre les tracteurs (dans le film), l’homme qui fait face au tracteurs dans le chapitre 5, l’attaque contre le shérif dans la Hooverville pour Tom Joad, l’engagement dans la grève pour Casy au prix de sa vie
- La révolte doit aussi prendre une dimension d’action collective (la grève des ouvriers agricoles à la ferme Hooper, le refus des bas salaires)
- La révolte contre les dieux ou contre l’autorité établie : on pensera au personnage d’Antigone qui se dresse contre les lois de Créon.
- …au nom d’un ordre plus juste :
· Appel aux dieux chez Eschyle dans le kommos
· Ou au nom de l’espoir que les fermiers avaient d’avoir une vie meilleure en Californie. Grève à la ferme Hooper dans l’espoir de voir le prix du seau de pêches monter pour se nourrir et nourrir sa famille.
II - La révolte comporte des risques et des dangers majeurs : il n’y a pas de révolte sans ce risque
1. Les risques de la révolte sont la mort ou la destruction du groupe : Casy, Tom, la famille Joad / Oreste Car la révolte en passe par la violence : le sang et la vengeance
- Ce passage à l’acte s’accompagne souvent de violences et de sang versé : le révolté devient un criminel, un hors la loi, un exclu de la communauté. Pretty Boy Floyd dans les Raisins, le hors-la-loi, révolté qui devient fou.
On tentera de distinguer nettement la différence entre la révolte et la vengeance. La vengeance est souvent le premier mouvement de la révolte (penser à Germinal lorsque les femmes s’en prennent à l’épicier avec la violence que l’on sait par vengeance contre la cruauté qu’il exerçait à l’égard des femmes). Cette tentation de la vengeance est toujours montrée à Tom par Ma comme mauvaise.
· Risque perçus par Ma Joad qui lutte contre la colère tout au long du roman. Elle pressent que dans cette humeur malsaine où mûrissent tous les raisins de la révolte, fermente aussi ce qui détruit toute cohésion humaine : d’abord et avant tout le groupe familial parce que la colère va nécessairement pousser le révolté à se mettre hors la loi. La révolte peut conduire à ne plus respecter la vie humaine : Oreste, et Tom lui-même lorsqu’il tue l’assassin de Casy.
2. La révolte est séditieuse : c’est l’ensemble du corps social qui s’en trouve ébranlé et menacé :
· Pascal : or cet ordre social est le bien le plus précieux qu’il faut préserver à tout prix
· L’ordre californien se resserre de plus en plus autour des fermiers (milices armées, on brûle les camps, chasse aux rouges, etc).
- C’est pourquoi il faut un retour à l’ordre faute de quoi c’est le chaos : Eschyle termine l’Orestie sur la création de l’Aréopage, donc sur un ordre juste. Mais Oreste seul n’a pu rétablir cet ordre juste, il a fallu l’intervention d’un tiers médiateur, Athéna.
3 .Toute révolte n’est-elle pas révolte contre Dieu (ou les dieux ? )
(ici on peut évoquer la figure de Job).
On constate alors que pour Pascal rien ne peut venir justifier la révolte : la révolte est souvent évoquée dans Les Pensées, comme repoussoir absolu. Car comme aucune justice humaine n’est possible sur cette terre, nécessairement aucune révolte ne peut être justifiée, elle est nécessairement mauvaise. Pascal juge de tout à partir de l’ordre de la charité, cad au regard de la justice de Dieu. Pour Pascal, se révolter est une hérésie, C’est pourquoi Pascal la condamne nécessairement : aucune exigence de justice ne saurait justifier un meurtre, ni un acte de violence. Lui qui a connu la Fronde, révolte des Parlements et des Grands, sait d’expérience que la révolte est une menace pour la paix civile : or « Le plus grand des maux est les guerres civiles » (laf 94). De plus : la révolte est de l’ordre de l’hubris, elle est démesure (Eschyle et la tragédie grecque en général) : c’est elle appartient à l’ordre de la concupiscence. C’est le « moi » qui revendique pour sa satisfaction et non le bien commun. Tout le fragment 56 (Le G) est concerné mais surtout le passage sur la Fronde : p.88 »L’art de fronder et de bouleverser les Etats est d’ébranler les coutumes établies , en sondant jusque dans leur source pour marquer leur défaut d’autorité et de justice » Fronder est donc « un jeu sûr pour tout perdre » que ce soit pour le peuple qui prête aisément oreille à ces discours ou pour les grands qui en profitent pour ruiner le peuple . « Il faut dit» Et fr 62 p.90 : il faut obéir aux lois parce qu’elles sont lois et non parce qu’elles sont justes « voilà toute sédition prévenue, si on peut faire entendre cela et que proprement c’est la définition de la justice » (p.90-91).
III - Comment éviter les dangers de la révolte tout en maintenant l’exigence de justice morale ?
1 - On peut restaurer la dignité humaine et les limites à ne pas franchir par d’autres voies que la révolte ou bien celle-ci doit vite déboucher sur ces autres voies sinon elle risque de conduire à la tyrannie : la pensée de derrière, l’institutionnalisation d’un régime plus juste, « le juste prix », cad la conscience de la juste place de l’homme.
Exercer un pouvoir politique et judiciaire éclairé par la conscience et la valeur de justice et les limites même de cette justice :
la pensée de derrière : on peut instaurer la limite entre le supérieur (l’oppresseur) et l’inférieur (l’opprimé) par cette voix intérieure. Ainsi l’inférieur reste-t-il muet extérieurement, mais il n’en pense pas moins (respect uniquement pour les grandeurs naturelles : ainsi il garde sa liberté) Trois Discours. La grandeur d’établissement (« Il a 4 laquais ») reconnue comme telle ne pousse pas l’homme à la révolte. Inversement, le grand, s’il sait rester à sa juste place et lui aussi se laisse gouverner par la pensée de derrière a conscience de sa juste place (premier discours). Qui aurait besoin de se révolter contre un tel roi (celui de l’apologue, qui sait qu’il n’est roi que par le hasard) ?
l’institutionnalisation de la justice/ le changement politique accompagné (rôle d’Athéna dans la constitution de l’Aréopage)
l’acceptation par l’homme de sa juste place : l’ordre de la charité, fragment sur les deux infinis.
2 – mais face à l’aporie de l’exercice de la justice par l’institution, l’homme peut choisir de faire prévaloir un au-delà de cette limite de la justice l’affirmation de valeurs humaines : comprendre la justice comme le respect profond de la dignité de la personne humaine. Ricoeur (postulat : l’homme toujours plus grand que sa faute) => le don, le sacrifice ou le pardon
3 – le combat de l’écrivain pour dénoncer l’injustice, affirmer la révolte par la force des mots dans une fonction performative de l’art ( « quand dire, c’est faire » _ Austin).
Et la révolte doit donc en dernière instance opérer le procès de la liberté totale : je dois me révolter, non lorsque je suis opprimé, mais pour faire respecter les droits de l’autre.
vendredi 6 avril 2012
dimanche 1 avril 2012
Entretiens : horaires modifiés
Par rapport au planning suivant , une modification :
17h00 Monmarché / Conrad
18h15 Viaud / Faragout / Lacueille
vendredi 30 mars 2012
lundi 26 mars 2012
jeudi 22 mars 2012
vendredi 16 mars 2012
Colles déplacées s21
Avec M Angioni Vendredi 16-17
Avec Moi G5 mardi 12-13 , G10 Vendredi 12-13
Avec Moi G5 mardi 12-13 , G10 Vendredi 12-13
samedi 25 février 2012
vendredi 24 février 2012
Modifications importantes semaine de la rentrée
l'emploi du temps redevient normal à la rentrée : la colle de physique avec Mme Féron repasse au vendredi à 9h.
Attention à la modification suivante :
le groupe 5 a colle de physique avec C.Huguet à 13h le lundi 12 mars (au lieu de 17h) et donc TD de maths à 15h ;
le groupe 4 prend la place du groupe 5 en TD de maths à 13h.
jeudi 16 février 2012
dimanche 12 février 2012
jeudi 9 février 2012
mardi 7 février 2012
Colle avec M Angioni
La colle aura lieu jeudi 9 Février à 18h en salle D 206
dimanche 5 février 2012
Organisation Lundi 6 Février
8-10 : Physique F.109
10-12 : Maths F.201
Vu les conditions météo , merci de nous attendre si jamais nous étions en retard ....
Paul Ricœur et l’héritage kantien du mal radical
Paul Ricœur et l’héritage kantien du mal radical - Richard EKAZAMA
♥♥♥♥♥♥♥ etc……
I - Le refus de la culpabilité collective
♥La faute désigne un coupable. Le coupable est celui qui accomplit un acte condamnable. Il l'est en vertu de la liberté qui est reconnue à l'homme. On ne peut pas hériter de la faute de ses parents. « Et l'on ne peut accuser que des actes imputables à un agent qui se tient pour leur auteur véritable. En d'autres termes, l'imputabilité est cette capacité, cette aptitude, en vertu de laquelle des actions peuvent être mises au compte de quelqu'un . » Refus donc du péché originel mais aussi de la faute collective comme celle par exemple qui a donné le titre au travail de Karl Jaspers la Culpabilité allemande. La culpabilité est liée à la faute que l'on commet personnellement. Elle est, pour ainsi dire, le fait de notre libre arbitre. L'homme accomplit le mal librement. Et il le fait par un choix qui est censé garantir ses intérêts. Il est donc coupable. Et nul autre que lui ne peut être coupable de ses fautes. Toutefois, dans La mémoire, l'histoire, l'oubli, Ricœur accepte la notion de culpabilité collective. Cette dernière est liée à nos prises de positions politiques et aux avantages que nous aurions bénéficié d'un régime politique condamnable. «Elle résulte de l'appartenance de fait des citoyens au corps politique au nom duquel les crimes ont été commis. En ce sens, elle peut être dite collective sous la condition de ne pas être criminalisée : la notion de peuple criminel doit être expressément rejetée. Mais cette sorte de culpabilité engage les membres de la communauté politique indépendamment de leurs actes individuels ou de leur degré d'acquiescement à la politique de l'Etat. Qui a bénéficié des bienfaits de l'ordre public doit d'une certaine façon répondre des maux créés par l'Etat dont il fait partie .» En fait de culpabilité, il s'agit bien de la responsabilité politique. Car la culpabilité renvoie expressément à l'agent auteur de la faute. Ainsi, un père peut être responsable des fautes commises par son enfant mineur ; cela dans l'intérêt de la victime car les mineurs ne sont pas pénalement responsables. Et nous notons au passage que la culpabilité ne concerne que des agents libres. On ne peut qualifier de faute qu'une action commise par un être libre. Lorsque le lion mange une antilope, on ne peut qualifier cet acte de faute. Sa nature ne lui permet pas de choisir autre chose. Il n'est pas un herbivore. L'imputabilité, nous dit Ricœur, est donc une qualité essentiellement humaine.
II - Les droits du coupable
♥ La doctrine de ces droits est fondée sur l'égalité humaine. Elle recherche la considération des personnes ou encore le respect de l'humanité des coupables. Aussi, quelle que soit la gravité du crime, le coupable conserve-t-il toujours son droit à l'humanité. Il doit toujours mériter la considération qui lui est due parce qu'il est un être humain. Et à ce titre, il doit avoir un procès normal. «Les auteurs ont droit à la considération parce qu'ils restent des hommes comme leurs juges .» Le respect de la personne du criminel n'a pour finalité que de rendre la justice plus juste. Car il est injuste de rendre le mal par le mal, c'est la vengeance. «Que l'horreur des crimes immenses empêche d'étendre cette considération à leurs auteurs, cela reste la marque de notre incapacité à aimer absolument . » Il faut éviter au criminel des traitements cruels qui remettent en cause la dignité humaine. Comme, par exemple, jeter son cadavre aux lions ou lui couper les oreilles, etc. Ce souci de la dignité humaine de chacun est kantien et nous avons des analyses dans la « Doctrine de la vertu ».
III- La justice : entre la punition et le pardon
♥La justice opère suivant deux axes : l'axe de l'expiation, la paie de la faute par la punition et l'axe du pardon, même si celui-ci est souvent très critiqué. S’agissant du pardon, il est critiqué parce que les victimes ont l'impression qu'il ressemble à une sorte d'impunité ou d'immunité qui est un mépris à l'égard de ceux qui ont souffert. Ricœur cite Kant pour dire tout le dilemme du pardon. « Le droit de gracier le criminel, soit en adoucissant sa peine, soit en la lui remettant tout à fait, est de tous les droits du souverain le plus délicat, car, s'il donne le plus d'éclat à sa grandeur, il est aussi l'occasion de commettre la plus grande injustice. » Et Ricœur ajoute cette précision de Kant : « Ce n'est donc qu'à propos d'une atteinte qui le touche lui-même qu'il en peut user. » Le pardon vient de celui qui est touché, c'est-à-dire la victime de l'acte condamnable. Et c'est donc elle qui doit décider en toute conscience et liberté. Le pardon doit se demander, il ne doit pas s’octroyer. Mais qu'en est-il lorsque la victime est incapable de parler ? Le pardon est-il vraiment possible lorsqu'on sait combien la nature humaine est sensible à la vengeance ? Est-ce que toutes les atteintes, toutes les affections, toutes les blessures sont pardonnables ?
Nous connaissons les termes de l'interrogation de Jankélévitch à propos des crimes impardonnables. Il se demande s'il ne peut pas quelquefois avoir insuffisance des moyens de paie par rapport à la grandeur de la faute. Il aboutit à «la difficulté de pardonner aux bourreaux et à leurs complices. » Rappelons que le pardon est une notion religieuse, qui témoigne d'une certaine grandeur spirituelle et morale. Dans le champ sémantique du pardon, nous retrouvons donc des mots comme l’excuse (la mise hors cause) et la grâce. Mais, l'homme a un corps fait de chair et est, de ce fait, soumis aux déterminations sensibles. A ce titre, il est sujet aux passions, aux colères, aux vengeances, etc. Et le rejet de ces affections apparaît souvent comme une contrainte faite contre soi. Ricœur comme philosophe et homme de foi fait une jonction entre la justice et la charité.
♥Les deux actions ne doivent pas s’interférer. L’action caritative ne doit pas empêcher celle de la justice. La justice fait intervenir une troisième personne entre le bourreau et la victime : le juge. Il a pour tâche de faire appliquer la peine en évitant la haine et la vengeance toujours possible pour celui qui a souffert. La charité, elle, met en rapport uniquement la victime et son bourreau.
Conclusion
«Le problème posé par le mal est en effet celui de l'impuissance à bien faire- blessure, plaie ouverte, » Entendons que l’homme aspire naturellement au bien, au bonheur mais le mal apparaît comme une coupure, un obstacle. La faute, la culpabilité est la prise de conscience de cette faute, ainsi que l’assomption de ses conséquences. Le mal n'est pas nécessaire et c'est pourquoi il faut tout faire pour le combattre. L’homme est destiné au bien et c’est pourquoi le mal est perçu comme une contingence, c’est-à-dire qu’il ne s’impose pas de telle manière qu’on ne puisse pas l’accomplir. On peut donc lui opposer une résistance, un refus. Dans La Religion dans les limites de la simple raison, Kant montrait que le mal radical, qui est à la racine de tous les autres puisqu’il est même dans le meilleur des hommes n’est pas le mal absolu, extrême. Le mal radical «ne peut être une propriété nécessaire de notre nature ; ce doit être un penchant acquis ».
Ce mal radical qui est en fait le mal moral ne peut être l'effet que de la volonté. C’est donc librement que l’individu décide de le choisir.
jeudi 2 février 2012
TIPE 2013 : Invariance, similitude.
Thème des travaux d’initiative personnelle encadrés pour l’année universitaire 2012-2013
NOR : ESRS1200003A
arrêté du 23-12-2011
ESR - DGESIP
arrêté du 23-12-2011
ESR - DGESIP
Vu le code de l’éducation ; décret n° 94-1015 du 23-11-1994 modifié par décret n° 2007-692 du 3-5-2007, notamment article 11 ; arrêtés du 3-7-1995 modifiés ; arrêté du 11-3-1998 modifié ; arrêté du 3-5-2005 ; CSE du 8-12-2011 ; Cneser du 12-12-2012
Article 1 - Le thème des travaux d'initiative personnelle encadrés dans les classes préparatoires de seconde année, affectées ou non d'une étoile, des voies : mathématique et physique (MP), physique et chimie (PC), physique et sciences de l'ingénieur (PSI), physique et technologie (PT), technologie et sciences industrielles (TSI), technologie, physique et chimie (TPC), biologie, chimie, physique et sciences de la Terre (BCPST), technologie-biologie (TB) est fixé pour l'année scolaire 2012-2013 conformément à l'annexe du présent arrêté.
Article 2 - Le directeur général pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle est chargé de l'exécution du présent arrêté.
Fait le 23 décembre 2011
Article 2 - Le directeur général pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle est chargé de l'exécution du présent arrêté.
Fait le 23 décembre 2011
Pour le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
et par délégation,
Le directeur général pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle,
Patrick Hetzel
et par délégation,
Le directeur général pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle,
Patrick Hetzel
Annexe
1 - Rappel d'un des objectifs de formation des travaux d'initiative personnelle encadrés (Tipe) : initiation à la démarche de rechercheLors des travaux d'initiative personnelle encadrés, l'étudiant a un travail personnel à effectuer, qui le met en situation de responsabilité. Cette activité est en particulier une initiation et un entraînement à la démarche de recherche scientifique et technologique dont chacun sait que les processus afférents sont nombreux et variés.
L'activité de Tipe doit amener l'étudiant à se poser des questions avant de tenter d'y répondre. En effet, le questionnement préalable à l'élaboration ou à la recherche des solutions est une attitude courante que pratiquent les scientifiques, chercheurs, ingénieurs. La recherche scientifique et technologique conduit à l'élaboration d'objets de pensée et d'objets réels, qui participent au processus permanent de construction qui va de la connaissance à la conception voire à la réalisation, et portent le nom d'inventions, de découvertes et d'innovations scientifiques et technologiques. La mise en convergence de travaux de recherche émanant de plusieurs champs disciplinaires assure le progrès des connaissances et permet des avancées dans l'intelligibilité du monde réel.
2 - Intitulé du thème Tipe pour l'année scolaire 2012-2013Pour l'année 2012-2013 le thème Tipe commun aux filières BCPST, MP, PC, PSI, PT, TB, TPC et TSI est intitulé : Invariance, similitude.
3 - CommentairesLe travail de l'étudiant en Tipe doit être centré sur une véritable démarche de recherche scientifique et technologique réalisée de façon concrète. L'analyse du réel, de faits, de processus, d'objets, etc., doit permettre de dégager une problématique en relation explicite avec le thème proposé. La recherche d'explications comprend une investigation mettant en œuvre des outils et méthodes auxquels on recourt classiquement dans tout travail de recherche scientifique (observations, réalisation pratique d'expériences, modélisations, formulation d'hypothèses, simulations, validation ou invalidation de modèles par comparaison au réel, etc.). Cela doit amener l'étudiant à découvrir par lui-même, sans ambition excessive, mais en sollicitant, ses capacités d'invention et d'initiative.
4 - Contenus et modalitésL'adéquation du sujet choisi par l'étudiant au thème de l'année pourra s'opérer par des entrées diverses comme le suggère la liste non exhaustive suivante : périodicité, proportion, robustesse, symétrie, etc.
Le travail fourni conduira à une production personnelle de l'étudiant - observation et description d'objets naturels ou artificiels, traitement de données, mise en évidence de phénomènes, expérimentation, exploitation de l'outil informatique, modélisation, élaboration, etc. - réalisée dans le cadre du sujet choisi adhérant au thème.
Cette production ne peut en aucun cas se limiter à une simple synthèse d'informations collectées, mais devra comporter une « valeur ajoutée » apportée par l'étudiant.
Les étudiants effectuent ces travaux de façon individuelle ou en petit groupe d'au maximum cinq étudiants, la qualité et le nombre des thèmes choisis permettant une réflexion générale du groupe. Dans le cas d'un travail collectif, le candidat devra être capable à la fois de présenter la philosophie générale du projet, et de faire ressortir nettement son apport personnel à cette œuvre commune.
5 - Compétences développéesLes Tipe permettent à l'étudiant de s'enrichir du contact de personnalités physiques extérieures au lycée (industriels, chercheurs, enseignants, etc.), de montrer ses capacités à faire preuve d'intitiative personnelle, d'exigence et d'esprit critique, d'approfondissement et de rigueur et de rapprocher plusieurs logiques de raisonnement et de recherche scientifique et technologique, par exemple par un décloisonnement des disciplines.
Ils permettent à l'étudiant de développer des compétences telles que :
- identifier, s'approprier et traiter une problématique explicitement reliée au thème ;
- collecter des informations pertinentes (internet, bibliothèque, littérature, contacts industriels, visites de laboratoires, etc.), les analyser, les synthétiser ;
- réaliser une production ou une expérimentation personnelle et en exploiter les résultats ;
- construire et valider une modélisation ;
- communiquer sur une production ou une expérimentation personnelle.
1 - Rappel d'un des objectifs de formation des travaux d'initiative personnelle encadrés (Tipe) : initiation à la démarche de rechercheLors des travaux d'initiative personnelle encadrés, l'étudiant a un travail personnel à effectuer, qui le met en situation de responsabilité. Cette activité est en particulier une initiation et un entraînement à la démarche de recherche scientifique et technologique dont chacun sait que les processus afférents sont nombreux et variés.
L'activité de Tipe doit amener l'étudiant à se poser des questions avant de tenter d'y répondre. En effet, le questionnement préalable à l'élaboration ou à la recherche des solutions est une attitude courante que pratiquent les scientifiques, chercheurs, ingénieurs. La recherche scientifique et technologique conduit à l'élaboration d'objets de pensée et d'objets réels, qui participent au processus permanent de construction qui va de la connaissance à la conception voire à la réalisation, et portent le nom d'inventions, de découvertes et d'innovations scientifiques et technologiques. La mise en convergence de travaux de recherche émanant de plusieurs champs disciplinaires assure le progrès des connaissances et permet des avancées dans l'intelligibilité du monde réel.
2 - Intitulé du thème Tipe pour l'année scolaire 2012-2013Pour l'année 2012-2013 le thème Tipe commun aux filières BCPST, MP, PC, PSI, PT, TB, TPC et TSI est intitulé : Invariance, similitude.
3 - CommentairesLe travail de l'étudiant en Tipe doit être centré sur une véritable démarche de recherche scientifique et technologique réalisée de façon concrète. L'analyse du réel, de faits, de processus, d'objets, etc., doit permettre de dégager une problématique en relation explicite avec le thème proposé. La recherche d'explications comprend une investigation mettant en œuvre des outils et méthodes auxquels on recourt classiquement dans tout travail de recherche scientifique (observations, réalisation pratique d'expériences, modélisations, formulation d'hypothèses, simulations, validation ou invalidation de modèles par comparaison au réel, etc.). Cela doit amener l'étudiant à découvrir par lui-même, sans ambition excessive, mais en sollicitant, ses capacités d'invention et d'initiative.
4 - Contenus et modalitésL'adéquation du sujet choisi par l'étudiant au thème de l'année pourra s'opérer par des entrées diverses comme le suggère la liste non exhaustive suivante : périodicité, proportion, robustesse, symétrie, etc.
Le travail fourni conduira à une production personnelle de l'étudiant - observation et description d'objets naturels ou artificiels, traitement de données, mise en évidence de phénomènes, expérimentation, exploitation de l'outil informatique, modélisation, élaboration, etc. - réalisée dans le cadre du sujet choisi adhérant au thème.
Cette production ne peut en aucun cas se limiter à une simple synthèse d'informations collectées, mais devra comporter une « valeur ajoutée » apportée par l'étudiant.
Les étudiants effectuent ces travaux de façon individuelle ou en petit groupe d'au maximum cinq étudiants, la qualité et le nombre des thèmes choisis permettant une réflexion générale du groupe. Dans le cas d'un travail collectif, le candidat devra être capable à la fois de présenter la philosophie générale du projet, et de faire ressortir nettement son apport personnel à cette œuvre commune.
5 - Compétences développéesLes Tipe permettent à l'étudiant de s'enrichir du contact de personnalités physiques extérieures au lycée (industriels, chercheurs, enseignants, etc.), de montrer ses capacités à faire preuve d'intitiative personnelle, d'exigence et d'esprit critique, d'approfondissement et de rigueur et de rapprocher plusieurs logiques de raisonnement et de recherche scientifique et technologique, par exemple par un décloisonnement des disciplines.
Ils permettent à l'étudiant de développer des compétences telles que :
- identifier, s'approprier et traiter une problématique explicitement reliée au thème ;
- collecter des informations pertinentes (internet, bibliothèque, littérature, contacts industriels, visites de laboratoires, etc.), les analyser, les synthétiser ;
- réaliser une production ou une expérimentation personnelle et en exploiter les résultats ;
- construire et valider une modélisation ;
- communiquer sur une production ou une expérimentation personnelle.
Programme du DS de Physique
DS mardi 7 février :
PHYSIQUE : Réseaux (donc Diffraction) + Mécanique du point (MPSI) (pas de mvt en champs newtoniens)
CHIMIE : Binaires liquide-vapeur
PHYSIQUE : Réseaux (donc Diffraction) + Mécanique du point (MPSI) (pas de mvt en champs newtoniens)
CHIMIE : Binaires liquide-vapeur
mercredi 1 février 2012
Planning deuxième passage en TIPE
Voici le projet pour le deuxième passage.
Plan et bibliographie sur transparents obligatoires (en tenant évidemment compte des remarques émises lors du passage précédent)
Plan et bibliographie sur transparents obligatoires (en tenant évidemment compte des remarques émises lors du passage précédent)
vendredi 27 janvier 2012
Colle avec Mme Féron
la colle de Mme Féron aura lieu en F.204 le mercredi de 9h à 10h
jeudi 26 janvier 2012
IMPORTANT changement d'emploi du temps
A partir du mercredi 1er février, les matinées des vendredi et mercredi matins sont inversées, et ce jusqu'au retour de Mme Cosnefroy
Ce qui donne
Mercredi 8-10 Maple C 203
Mercredi 10-12 Maths D 203
Vendredi 8-10 Maths D 206
Vendredi 10-12 Français D 203
la colle de Mme Féron sera le mercredi à 9h
Par ailleurs n'oubliez pas l'inversion des colles Caml !
Ce qui donne
Mercredi 8-10 Maple C 203
Mercredi 10-12 Maths D 203
Vendredi 8-10 Maths D 206
Vendredi 10-12 Français D 203
la colle de Mme Féron sera le mercredi à 9h
Par ailleurs n'oubliez pas l'inversion des colles Caml !
mercredi 25 janvier 2012
Venger, pardonner ou juger ?
Venger, pardonner ou juger ?
VARIATIONS LITTÉRAIRES FRANÇOIS OST FACULTÉS UNIVERSITAIRES SAINT-LOUIS ( BRUXELLES)
Sommaire
La justice, les juges et les procès n’ont cessé d’inspirer la littérature, le théâtre et le cinéma. Est-il possible de mettre un peu d’ordre dans ce matériau foisonnant ? Entre la justice qu’on se fait à soi-même et celle que rend le tiers institué, entre la justice officielle, l’équité, le pardon, la vengeance, est-il possible de tracer quelques lignes de partage balisées par de grands archétypes littéraires ?
La présente contribution entend jeter quelques jalons de cet ambitieux projet, et ce au bénéfice d’une double distinction. La première est bien connue ; elle départage justice privée et justice officielle (généralement étatique). La seconde est inspirée par la philosophie de Paul Ricoeur qui, réfléchissant sur le sens de l’acte de juger, lui assigne une double fonction que, pour faire bref, nous désignerons provisoirement des deux termes de « répartition » et de « participation ». A noter qu’on n’aborde pas ici la fonction de « véridiction » exercée par la justice (établir les faits pertinents de la cause), préalable à sa fonction de « jurisdiction » ( dire le droit et le juste, selon les deux axes de Paul Ricoeur) et aussi essentielle qu’elle. Une telle étude demanderait un travail au moins équivalent à celui qu’on entame. Qu’il suffise de rappeler d’emblée la nature conventionnelle (et donc construite) de la vérité judiciaire, comme en atteste si bien l’adage « res iudicata pro veritate habetur ».
A l’aide de ce tableau à double entrée nous proposerons une grille d’analyse qu’un parcours buissonnier au sein de la littérature mondiale permettra à la fois d’illustrer, de nuancer et subvertir. C’est que si les œuvres de fiction offrent quelques témoignages emblématiques de telle ou telle figure du tableau, elles proposent aussi un infini dégradé de situations qui auront tôt fait d’en complexifier les partages théoriques toujours trop réducteurs.
. Dans un texte aussi court que profond, Paul Ricoeur s’interroge sur la finalité de l’acte de juger 1. Au terme d’une sorte de phénoménologie du jugement, il en distingue une finalité courte « en vertu de laquelle juger signifie trancher, en vue de mettre un terme à l’incertitude », à quoi il oppose une finalité longue « à savoir la contribution du jugement à la paix publique »2. Dans le premier sens, l’« arrêt » met un terme à un débat, virtuellement interminable, par une décision qui deviendra définitive par l’écoulement des délais de recours et à l’exécution de laquelle la force publique prêtera son concours. Ce faisant, le juge aura rempli une première fonction : il aura attribué la part qui revient à chacun, en application du vieil adage par lequel les Romains désignaient le rôle du droit : suum cuique tribuere. Le juge aura attribué des parts ou rectifié les parts indûment accaparées par l’un ou l’autre — en un mot : il aura dé-partagé les parties. Il opère ainsi comme une institution essentielle de la société que J. Rawls présente précisément comme un vaste système de distribution de parts. En ce premier sens, juger c’est donc l’acte qui sépare, qui départage (en allemand, Urteil, jugement, est explicitement formé à partir de Teil, qui signifie la part).
Mais l’acte de juger ne s’épuise pas dans cette fonction séparatrice. S’il est vrai que, plus fondamentalement, il se produit sur un arrière-plan de conflit social et de violence larvée, il faut bien que le procès, et le jugement qui le clôture, poursuivent une fonction plus large, d’alternative institutionnelle à la violence, à commencer par la violence de la justice qu’on se fait à soi-même. Dans ces conditions, poursuit P. Ricoeur, « il apparaît que l’horizon de l’acte de juger, c’est finalement plus que la sécurité, la paix sociale »3. Pas seulement la pacification provisoire qui résulte d’un arrangement imposé par la loi du plus fort, mais une harmonie rétablie du fait qu’une reconnaissance mutuelle s’est produite : chacun des protagonistes, quel que soit le sort de son action, doit pouvoir admettre que la sentence n’est pas un acte de violence mais de reconnaissance des points de vue respectifs. A ce niveau, on s’est élevé à une conception supérieure de la société : non plus seulement un schème de distribution de parts synonyme de justice distributive, mais la société comme schème de coopération : par la distribution, mais au-delà de celle-ci, par la procédure, mais au-delà de celle-ci, se laisse alors viser quelque chose comme un « bien commun », qui précisément fait lien social. Un bien, paradoxalement, fait de valeurs éminemment partageables. En ce point, la dimension communautaire a pris le relais de la dimension procédurale, incapable, à elle seule, de conjurer la violence. En résumé, le partage judiciaire, c’est tout à la fois l’attribution de parts (qui séparent) et ce qui nous fait prendre part à la même société, c’est-à-dire ce qui nous rapproche. De la répartition surgit une propriété émergente, plus importante que la part qui échoit à chacun : la concorde rétablie, la coopération relancée.
Nous sommes maintenant en mesure de présenter un tableau à double entrée de la justice et de ses alternatives, en croisant un axe vertical qui distingue justice instituée et justice privée, avec un axe horizontal qui prend en compte la présence de l’une ou des deux fonctions de l’acte de juger, soit encore le défaut de l’une et de l’autre. Huit cadres ou figures peuvent ainsi être identifiés.
Les figures 1 et 2 visent le modèle d’une justice « idéale » qui combine le juste partage des parts avec la fonction d’intégration ou de restauration de la paix sociale . Les Euménides d’Eschyle racontent l’institution d’une telle justice publique qui s’arrache à l’antique loi du talion. Nous n’avons pas identifié d’exemple littéraire d’une tel modèle privé, mais les illustrations devraient être aisées à trouver.
Les figures 3 et 4, qui visent des formes de justice, publique et privée, préoccupées seulement de compensation des torts (fonction courte), relèvent d’un souci de simple équilibre, ou de statu quo : l’ordre social a été troublé par une faute ou un dommage qu’il s ‘agit de réparer. Un mal pour un mal, tant pour tant – dans ces conditions, le mal « s’entretient ». La figure 4 (vengeance privée) s’avère particulièrement bien documentée en littérature, avec notamment une variante importante : la justice que l’on se fait à soi-même, par le suicide, généralement.
Les figures 5 et 6 illustrent quant à elles un modèle du pardon, plus fréquent dans le registre privé que dans le domaine public. Un tel modèle se caractérise non plus par l’équilibre, mais par l’excès : excès du don, de l’abandon et du pardon. On s’affranchit de la logique du donnant-donnant, et on tente de produire cette propriété émergente qu’est la restauration du lien social.
A l’inverse, les figures 7 et 8, qui décrivent cette fois l’absence des deux fonctions attachées à l’acte de juger, tracent le modèle d’une justice en défaut : défaut ou déni de justice. La littérature s’avère ici particulièrement riche, tant dans l’ordre public, avec le portrait de toutes sortes de juges partiaux ou vénaux, que dans l’ordre privé avec un crescendo dans la dénaturation qui culmine dans les récits de justice perverse qui abondent sous la plume du marquis de Sade.
Justice instituée | ||
Cumul des deux fonctions : Départager/faire prendre part | 1.ESCHYLE : Les Euménides | 2. |
Seulement départager | 3. Fr. MAURIAC, Thérèse Desqueyroux | 4. Vengeance privée : SHAKESPEARE, RACINE, von KLEIST Variante : se faire justice à soi- même ![]() ![]() |
Seulement faire prendre part | 5. Commission « vérité et réconciliation » | 6. Le pardon : ![]() ![]() ![]() |
Absence des deux fonctions | 7. Les juges partiaux ou vénaux qui corrompent la justice : ![]() ![]() ![]() | 8. - L’oubli : M. KUNDERA, La plaisanterie - La justice immanente : Fr. KAFKA, Le procès - La justice perverse : SADE |
C’est dans les Euménides d’Eschyle, tragédie écrite en 460 avant notre ère, qu’on pourra trouver un des exemples littéraires les plus emblématiques de l’institution d’un tribunal (l’Aréopage) capable, ici dans le dossier Oreste le matricide, de surmonter l’antique loi du talion, et de prononcer finalement un verdict d’acquittement après que des arguments rationnels aient été échangés .
En l’espèce, la fonction première de la justice (régler un litige en attribuant à chacun ce qui lui revient) est à la fois remplie et dépassée ; c’est que le règlement intervenu ne se borne pas seulement à « remettre les choses en l’état », il renoue le lien civique et, peut-on dire, contribue même à renforcer la paix sociale ; c’est ce dernier point, moins connu mais essentiel, que je voudrais mettre en lumière. Côté Oreste, la chose est évidente : arraché au bras vengeur des Erynies, il est d’abord accueilli comme suppliant par la ville d’Athènes, puis amené à s’expliquer au tribunal, et enfin réintégré à la communauté des vivants alors même que le menaçaient le délire et les enfers .
Mais la réconciliation et la réintégration étaient encore plus difficiles à obtenir du côté des Erynies qui se voient arracher une de leurs victimes naturelles et finalement humiliées par un verdict qui signe le déclin de leur autorité à Athènes. Athéna devra faire preuve d’une ténacité hors du commun pour calmer la colère des « Furies à la longue mémoire » et obtenir finalement le retournement spectaculaire qui les transformera en bienveillantes protectrices de la cité (« Euménides »). Tous les registres de la persuasion (peitho) seront parcourus en 140 vers et non moins de quatre longues tirades. Le plus urgent est d’abord de restaurer l’honneur de la partie succombante : « vous n’êtes pas vaincues » (v. 795) ; le partage des voix qui est intervenu n’a, en effet, rien de déshonorant pour elles. Vient ensuite la supplication modeste (« n’abattez pas sur mon pays votre lourde colère », v.800), assortie d’une promesse (« je vous promets, en toute justice, un séjour équitable en mon pays (...) mes citoyens vous rendront les honneurs », v.804-807). Rien n’y fait ; les Erynies reprennent, inébranlables, leurs lamentations menaçantes. Athéna change alors de registre : la voilà qui fait mine de comprendre leur fureur qu’explique sans doute leur plus grande sagesse. Mais qu’à cela ne tienne : elle prédit une prospérité sans égale pour Athènes et invite les Erynies, une fois de plus, à s’associer à cette bonne fortune : « tu verras un cortège d’hommes et de femmes te rendre un culte que tu n’obtiendrais pas ailleurs »(v. 856-857). Nouveau refus. « Je ne me lasserai pas de plaider pour ton bien », répond Pallas, bien décidée à en découdre (v.881) ; « si tu respectes saintement la persuasion, le charme apaisant de ma langue, pourquoi ne pas rester ? » (v. 885-887). Cette fois, Athéna semble avoir marqué un point ; une faille se fait jour dans la détermination du chœur des Furies : « comment sera ma résidence ? quels honneurs m’attendent ? », demandent-elles (v.892-894) . Et enfin cette ultime question : « tu me le garantis à tout jamais » (v.898). Ainsi la persuasion aura fait son office ; les Erynies sont désormais disposées à entonner un hymne de bienfaisance en lieu et place de leur thrène des morts, l’hymne sans lyre de sinistre mémoire. Tout peut maintenant se retourner : semailles, moissons, prospérité sont évoquées là où, au cours des 3600 vers précédents il n’était question que de sang, de lèpre et d’infection.. Paroles propices, oracles bienveillants et bonnes grâces ont pris la place, dans la bouche de celles qu’on nomme désormais les Euménides, des imprécations dont elles étaient peu avares jusqu’ici : « que jamais en la cité ne vienne gronder la discorde, mais qu’à la joie, la joie réponde » (v.984).
Une justice qui se borne à « attribuer à chacun le sien » est-elle à la hauteur de sa mission ?
Nombreux sont les auteurs à répondre par la négative à cette question. C’est que, en se contentant de rétablir l’équilibre social un instant compromis, cette justice ne pénètre d’aucune façon dans les motivations des protagonistes, pas plus qu’elle ne s’interroge sur la justice intrinsèque de l’ordre qu’elle restaure. Il faudrait réfléchir ici à la féconde distinction entre litige et différend qu’introduit à cet égard J.-F. Lyotard. Alors que le litige est redevable d’un code de principes et de valeurs commun aux deux protagonistes, de sorte qu’il conduit normalement à la compensation du plaignant qui a subi un dommage (lui aussi évaluable selon des échelles acceptées), le différend, en revanche, demeure intraitable : il n’est qualifiable par aucune règle commune, de sorte que le tort que subit la victime reste non compensé, et souvent même inexprimable.
Un auteur comme François Mauriac a poussé cette critique a un point de radicalité rarement égalé . Observateur attentif de la vie judiciaire (tant en ce qui concerne la justice civile, que les assises, ou encore la justice politique, notamment à l’occasion de l’épuration d’après-guerre ou des mouvements de libération coloniale), Mauriac a eu l’occasion de se persuader de ce que la justice humaine est « ce qu’il y a de plus horrible au monde » quand elle n’est pas inspirée par la charité.
Une telle justice n’est, dans ce cas, qu’une manifestation de plus de la grande loi de « l’entre-dévorement » qui régit l’histoire (on sait que Mauriac, partageant en cela la conception tragique de la nature humaine qui était celle de Pascal, est convaincu que le mal est originel et consubstantiel à l’homme, et que, dans ces conditions, l’histoire n’est que la répétition infinie du crime de Caïn).
Plus concrètement, cette justice lui apparaît impersonnelle, inhumaine et mécanique. Elle stigmatise, catalogue, réifie et retranche pour cette raison qu’elle répugne à se mettre à la place du justiciable et s’avère donc, a fortiori, incapable de lui pardonner. Une telle justice n’est, somme toute, que la reproduction de l’ordre établi (qu’il s’agisse des privilèges des possédants dans l’ordre de la propriété privée, et de l’hégémonie des plus forts dans la sphère publique) : en compensant le déséquilibre apporté à l’ordre établi, elle renforce et légitime indéfiniment cet ordre. En se cantonnant dans une logique quasi arithmétique d’équivalence des fautes, elle n’est que la version officielle et institutionnelle de la vengeance privée et du lynchage.
Loin d’assurer les conditions d’une reconnaissance mutuelle de la victime et du coupable (réel ou potentiel) , cette forme de justice légaliste a pour fonction réelle d’exclure les individus censés de ne pas s’intégrer à l’ordre social ( cette analyse est d’autant plus significative qu’elle émane d’un auteur peu suspect de militantisme de gauche). Mauriac qualifie cette justice en trompe l’œil de « justice de Pilate » – le consciencieux agent de l’Etat qui se lave les mains depuis deux mille ans - une justice qui se contente de donner l’apparence de l’impartialité.
Thérèse Desqueyroux (1927) est sans doute le roman de Mauriac le plus illustratif de cette critique d’une justice étatique « de Pilate » qui, tout en se donnant l’apparence d’une décision juste, se borne en réalité à se défausser sur la vengeance familiale privée, ce qui place l’œuvre à la charnière des figures 3 et 4. Thérèse, une bourgeoise provinciale qui étouffe dans l’atmosphère confite de sa belle-famille, tente d’empoisonner son mari ; le crime échoue, et une instruction judiciaire est ouverte. Pour préserver l’honneur de la famille, le mari, soutenu par les siens, retire sa plainte en vue de tromper la justice, de sorte que, au terme d’une instruction bâclée, une ordonnance de non-lieu est rendue. Voilà Thérèse rendue aux siens, à la vengeance des siens – ce plat qui se mange froid. De longues années de condamnation au silence l’attendent, enfermée qu’elle est désormais dans la prison d’un acte qui n’avait reçu ni reconnaissance ni sanction officielle. Tout se passe, en effet, au terme de cette ordonnance de « non lieu », comme si rien n’avait eu lieu, pas même l’intervention de la justice. Mais ce que révèle ce déni de justice c’est en définitive, sa complicité objective avec un ordre des familles dont toute l’œuvre de Mauriac dépeint la violente inhumanité.
C’est une même leçon qui se dégage de La lettre écarlate (1850), le grand roman de l’américain N. Hawthorne. La lettre écarlate est le signe d’infamie qui orne désormais le corsage d’Esther, superbe jeune femme coupable d’adultère dans une communauté puritaine du nouveau monde au XVIIè siècle. Mise au ban de la communauté, Esther supporte dignement son calvaire, en compagnie de sa petite fille, enfant du péché. Le mystère le plus profond règne cependant quant à l’idée du père. On devine progressivement qu’il s’agit du jeune pasteur de la communauté, prédicateur inspiré que tous prennent pour un saint. Loin de lui assurer l’impunité, l’anonymat derrière lequel il se retranche lui est cependant une torture bien pire que celle qu’endure Esther. Le remords le consume de l’intérieur bien plus cruellement encore que le stigmate extérieur de sa compagne. D’autant que, - la terrible vérité se dévoile peu à peu - l’infortuné pasteur vit en compagnie d’un vieux médecin (qui n’est autre que l’ex- mari d’Esther) qui a percé son secret et soumet le pasteur à une vengeance quotidienne qui finira par le consumer. Ici encore, mieux eût valu sans soute une sanction publique et une expiation à visage découvert.
La transition se fait ainsi naturellement avec la figure 4, celle de la justice privée, limitée à la fonction de compensation. Durant des millénaires, l’humanité n’a réglé ses conflits qu’à la faveur de la vengeance clanique, familiale ou privée. Et en Grèce classique encore, c’est un même terme, dikè, qui désigne la vengeance et la justice. Souvent canalisée et modérée par un ensemble de règles coutumières, la vengeance ne s’avère en effet pas irrationnelle : rendant le coup pour le coup – avec la même intensité et dans les mêmes formes, elle s’inscrit à sa manière dans la logique contractuelle du donnant-donnant et reproduit la grande loi humaine de la réciprocité. Par ailleurs, dans des sociétés traditionnelles et fermées, soudées par d’inflexibles codes d’honneur, elle apparaît même comme le devoir sacré de restaurer l’honneur bafoué. Le problème, évidemment, est que, faute d’intervention du tiers institué, il est malaisé de faire respecter ses équilibres, de même qu’on devine infinies les discussions sur la réalité de la faute et l’ampleur du dommage. On peut soutenir aussi que, d’être entretenu de génération en génération, cet esprit de vengeance finit par produire une haine qui se nourrit d’elle-même, et génère une violence en miroir que rien ne permettra plus d’arrêter.
Aussi bien, le thème de la vengeance parcoure-t-il la littérature universelle avec une extraordinaire récurrence . Bon nombre d’ œuvres de Shakespeare, de Racine et de von Kleist y trouvent le meilleur de leur inspiration. La place nous manque ici pour évoquer ne serait-ce que l’un ou l’autre de ces textes . On se contentera plutôt d’attirer l’attention sur une variante intéressante de cette quatrième figure : la justice que l’on se fait à soi-même, par le suicide le plus souvent. Comme si, déféré au tribunal de sa propre conscience, l’individu ne s’accordait plus ni alibi, ni circonstances atténuantes.
La panne de Fr. Dürrenmatt illustrera ce point (mais bien d’autres œuvres pourraient être citées, telle Cosmétique de l’ennemi d’Amélie Nothomb). Au cours d’une de ses tournées en province, un représentant de commerce, à défaut de trouver place à l’hôtel, est hébergé par un magistrat à la retraite. Celui-ci le convie à partager le dîner qu’il organise mensuellement avec un procureur et un avocat, retraités comme lui. Au cours du repas s’improvise un jeu auquel les trois compères semblent rompus : un procès fictif auquel l’hôte est invité à se prêter. Qu’aurait-il à craindre du reste : n’est-il pas un commerçant très ordinaire ? Au fil d’un interrogatoire habilement mené, il apparaît cependant que l’homme aurait bien pu être la cause – indirecte mais probable – de l’accident cardiaque qui a emporté son patron. Avocat et procureur se livrent alors à une joute passionnée que conclut une sentence de mort prononcée par le juge. Le jeu se termine dans la bonne humeur générale, les trois collaborateurs de la justice trop heureux d’avoir pu se livrer, une fois encore, à leur occupation favorite. Mais lorsqu’ils frappent à la porte de la chambre du commerçant pour lui signifier l’acte écrit de sa condamnation, ils le retrouveront pendu... Apparemment la conscience de l’homme s’était révélée plus inflexible que la petite compagnie des professionnels du droit.
Il faudrait relire également Crime et châtiment de Dostoïevski dans cette optique : qu’est-ce qui pousse en effet Raskolnikov à avouer son crime, sinon le besoin d’avouer, et, par là même, le désir de payer sa dette et d’ainsi réintégrer la société des hommes ?
Parfois la réalité semble l’emporter sur la fiction : quel meilleur exemple évoquer en effet, pour illustrer un système étatique de justice qui renonce à se contenter de son rôle d’adjudication-rétribution classique en s’élevant d’emblée au pardon, gage de réconciliation et de concorde, que la fameuse Commission Vérité et Réconciliation mise en place en Afrique du Sud, au lendemain de l’apartheid, par Nelson Mendela et Mgr. Desmond Tutu ? Une telle commission, qui entend combiner aveux complets, réparation civile, pardon sollicité auprès des victimes et obtenu d’eux, et amnistie pénale, une telle commission s’analyse à la fois comme un geste de mémoire et un pari sur l’avenir. Le pardon qui s’y produit ne cache rien des faits et assure la pleine reconnaissance de la victime, mais, en rendant crédible la perspective d’un autre avenir collectif qu’un futur de rancœur, il permet aux protagonistes de s’arracher à un destin de malheur.
On soulignera, au passage et à la faveur de cette expérience, l’importance du récit dans l’œuvre de justice : il s’agit de construire une relation des faits qui, à défaut de s’avérer absolument exacte (qui dirait toute la vérité ? on sait, du reste, que la vérité judiciaire n’épuise en rien les vérités factuelles), fasse sens pour les protagonistes et soit accepté par la communauté. Il s’agit de « mettre des mots justes sur les faits » et aussi de « dire » la responsabilité ou la culpabilité des uns et des autres.
Reconnaissons cependant que le pardon est plus souvent le fait des individus et de la justice privée. Souvent, du reste, il procède du défaut de la justice publique (lorsque les faits sont prescrits aux termes de la loi, par exemple, ou que, dans le cas des crimes de masse les plus graves, une véritable réparation est tout simplement impossible)) ou alors de sa déchéance. Sous la plume d’un auteur radicalement utopique comme Léon Tolstoï, le pardon est une exigence évangélique qui est la seule réaction acceptable face au mal, dès lors qu’il appartient à Dieu seul de juger, et que tout système humain qui s’y risquerait serait, par nature, corrupteur et lui-même criminogène (c’est tout le thème de Résurrection).
L’écrivain allemand E. Wiechert, dans une nouvelle intitulée Le juge , en appelle également au pardon comme seul substitut possible à une justice dévoyée. Dans l’Allemagne nazie, à la veille de l’entrée en guerre, un juge d’instruction découvre que le coupable de l’assassinat politique sur lequel il enquête n’est autre que son propre fils ; il ne tarde pas à le confondre, et, assumant sa fonction de père autant que de juge, il persuade le fils (appelé – est- ce un hasard,- Christian) de se constituer prisonnier. Mais, dans l’Allemagne dévoyée, où le mal a pris la place du bien, il n’est personne pour le poursuivre – on le félicite plutôt d’avoir fait justice d’un opposant.
Reste alors au père de se rendre avec Christian auprès du « tribunal suprême », les parents de la victime. Christian sera finalement pardonné par ceux-ci ; quant au juge, il adresse le lendemain sa lettre de démission à ses supérieurs ; les dernières lignes sont ainsi conçues : « Là où il n’y a pas de justice, il n’y a place ni pour le droit, ni pour le juge ».
On trouvera un autre exemple singulier de combinaison entre pardon privé et faillite de la justice officielle dans Billy Budd, marin de H. Melville. Ce court roman de mer suggère l’idée de la justice comme un mal écessaire dans un monde marqué par l’universelle culpabilité du péché originel. Engagé de force dans la marine de guerre anglaise à l’époque du Directoire et au lendemain d’une vague de mutineries qui avait laissé des traces, Billy Budd est accusé, à tort, de mutinerie par le capitaine d’armes du bord. Incapable de se défendre verbalement, le marin assène un coup, qui se révèle mortel, à l’officier qui l’accuse. Il est aussitôt jugé par un conseil de guerre que préside le capitaine Vere ; tous sont convaincus de l’innocence du marin, mais sa condamnation à mort est néanmoins décidée car il n’est pas question de donner à l’équipage le moindre signe de faiblesse en ces temps de guerre et au lendemain d’une période de mutinerie. A la pointe de l’aube, Billy est pendu à la grand-vergue.
Au premier degré, on peut lire cette fable comme une féroce critique de la justice militaire expéditive qui, sciemment, condamne à mort un innocent par égard pour la loi martiale et la discipline militaire. Mais Melville nous invite à dépasser cette première interprétation, et nous invite à une lecture christique de ce sacrifice du fils (Billy) par le père (Vere) en expiation de la faute originelle qui pèse sur tous, innocents compris. Comment comprendre autrement, en effet, les dernières paroles de Billy Budd : « dieu bénisse le capitaine Vere ! » ? Et Melville d’ajouter cette observation : tandis que Billy s’élevait, « l’orient s’imprégnait d’une douce et glorieuse lumière, comme dans une vision mystique la toison de l’agneau de Dieu ». Tout se passe ici comme si, dans cette atmosphère de miséricorde à l’égard du péché originel commun, Billy était amené à pardonner à la justice des hommes, comme si, figure christique, il assurait la rédemption de la faute universelle des juges.
L’alternative extrême à la justice est un règlement des conflits qui n’honore aucune des deux fonctions de compensation et de réintégration. On atteint ici le paroxysme de la dénaturation de l’institution, on touche aux limites de la déshumanisation.
Lorsqu’une telle « justice » est rendue par des magistrats assermentés, dans les formes légales et un cadre juridique, la corruption de l’institution est à son comble. La littérature, qui ne recule pas devant les inversions par passage à la limite, en livre de nombreux exemples. Shakespeare, notamment, dresse une impressionnante galerie de portraits de juges partiaux et vénaux, directement intéressés à l’issue du procès, souvent parce qu’ils sont eux-mêmes les coupables qu’ils feignent de poursuivre. On citera par exemple Richard II, dans la pièce éponyme, qui arbitre (avant d’y mettre arbitrairement fin) un duel judiciaire en forme d’ordalie entre deux de ses vassaux s’accusant mutuellement d’un meurtre dont personne n’ignore que le véritable coupable en est le roi lui-même.
On pourrait évoquer aussi Angelo, le mal nommé, qui condamne Claudio à mort, au motif de fornication, dans Mesure pour mesure, alors que lui même propose le salut du malheureux à la sœur de ce dernier, une jeune novice, dont il prétend ainsi acheter la vertu .
On pourrait aussi rappeler la célèbre Portia, qui, dans Le marchand de Venise, inflige une impressionnante leçon d’équité à l’infortuné Shylock, l’usurier juif de la place, contribuant ainsi à son injuste condamnation, alors qu’elle-même a tout intérêt à cette condamnation.
Le thème du juge coupable instruisant son propre procès constitue également la matière, sur un mode comique cette fois, de la pièce La cruche cassée de von Kleist.
Et comment ne pas évoquer les multiples juges vénaux qui hantent les Fables de Jean de la Fontaine ? Ainsi le Pierre Dandin de L’huître et les plaideurs qui, après avoir gobé l’huître, ne laisse à chacun qu’une écaille – « sans dépens », précise-t-il. Ou encore le juge Grippeminaud (Le chat, la belette et le petit lapin) qui met d’accord les plaideurs en les dévorant l’un et l’autre, et en s’accaparant, « sans autre forme de procès », le terrier qu’ils se disputaient.
La descente aux enfers se poursuit lorsque la littérature aborde le thème de l’absence des deux fonctions dans le cadre cette fois de la justice privée, totalement désisnstituée. A vrai dire, l’idée et le terme même de « justice » ne sont utilisées dans ce contexte que par antiphrase, comme pour signaler un défaut radical. L’inventaire des formes de cette anti-justice reste à faire pour l’essentiel. On se contente d’en livrer trois manifestations.
La première peut, on le concède, paraître plutôt anodine. Elle s’inscrit au simple registre de l’oubli et du renoncement, comme si un sommeil de lassitude ou d’impuissance s’était substitué à la justice. C’est peut-être la clé qui permet de comprendre le singulier roman de Milan Kundera, La plaisanterie, où les terribles exactions du régime communiste en Europe de l’Est ne trouvent, en définitive, aucune verbalisation efficace, aucun traitement susceptible d’en réparer les ravages. Seul l’oubli, comme un voile létal, recouvre ce champ de ruines . Mais il faut se méfier de l’oubli qui, quand il prend la forme du refoulement, conduit à de brusques et ravageurs « retours du refoulé ». Un « passé qui ne passe pas » est le terreau le plus fécond des violences de demain.
L’amnésie déçoit la justice en un sens encore plus élémentaire que ceux évoqués par la distinction de Paul Ricoeur : n’assurant aucune reconnaissance aux faits, elle traduit un déni de vérité (ou même simplement de réalité) en deçà du déni de justice. En annihilant le passé, en néantisant le souvenir, l’amnésie rend définitivement impossible que justice soit rendue un jour.
Le procès de Franz Kafka nous conduit au bord d’un autre abîme. Que révèlent en effet ces bribes, absurdes et grotesques, de procédure judiciaire auxquelles Joseph K. est confronté durant les douze mois que dure l’instruction de son dossier ? Non pas tant les dysfonctionnements de la justice ordinaire (Kafka est bien au-delà de cette critique convenue), que la manifestation, à vrai dire terrifiante, d’une « justice immanente » qui s’ancre dans nos peurs les plus archaïques . Cette justice immanente reflète ce qu’on pourrait appeler une « loi de nécessité » qui frappe sans motif l’innocent comme le coupable et s’inscrit dans une mentalité pré-logique où la faute ne se distingue pas de l’erreur, de la folie, de la maladie et du malheur. Conformément à un des sens qu’il revêt dans la langue allemande, le procès (Das Prozess), est à comprendre alors comme un processus morbide, imprescriptible et sans rémission, plutôt que comme une procédure judiciaire instituée. Ce qu’il réalise est une métamorphose (comme le roman du même nom) qui est autant physique que morale : la transformation progressive de l’innocent en coupable, tel Grégoire qui se réveille un matin dans la carapace d’un cafard. Ici, la faute-souillure , sur le modèle de l’antique hamartia grecque, est à la fois héréditaire (elle peut se transmettre de génération en génération) et contagieuse (elle frappe sans motif par simple contiguïté). Cette forme de justice, avec laquelle Kafka s’est douloureusement confronté toute sa vie, comme en atteste notamment son Journal, est une cruelle loterie qui, en guise de prix, ne distribue que les 1001 formes du malheur.
Après l’oubli et la justice immanente, on peut encore descendre d’un cran et évoquer la justice perverse, qui s’attache à produire le mal pour le mal. Telle celle qu’évoquent certaines pages démoniaques de Sade, dans les Histoires de Justine et de Juliette, notamment. Les petits ou les grands maîtres que les deux sœurs rencontrent, dans les couvents, les fabriques, les salons et les boudoirs, n’ont en effet de cesse que d’édicter de pointilleux règlements dont ils savent les prescriptions impossibles à satisfaire et dont ils tirent plaisir à faire une application totalement arbitraire, au gré de leurs caprices, multipliant les privilèges indus autant que les punitions vexatoires. Dans ces conditions, les simulacres de justice auxquels se livrent les justiciers sadiens ne sont que l’aboutissement ultime de la loi perverse qu’ils ont réussi à substituer à la loi commune de la cité. Comme à Sodome et Gomorrhe, la monnaie (monnaie symbolique, loi, langue, économie) qui s’échange dans l’univers sadien est marqué du seul sceau, purement solipsiste, des tyrans qui y sévissent.
Le parcours que l’on vient de tracer, pour stimulant qu’il soit, est évidemment largement incomplet : seules quelques pistes ont été tracées dans l’immense continent littéraire, à propos d’un objet lui-même multiforme. En définitive, sa principale utilité, à l’instar d’un « tableau de Mendeleïev », réside dans sa fonction heuristique : les nombreuses cases vides qu’il recèle (car on ne doute pas que les huit figures distinguées n’épuisent nullement la complexité de l’acte de juger) appellent à poursuivre la recherche. Non pas tant pour accumuler les espèces à la manière d’un philatéliste ou d’un entomologiste, que pour approfondir notre connaissance de l’humain, appelé, depuis l’époque de Caïn et d’Abel, à choisir entre la vengeance, le jugement ou le pardon
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