jeudi 20 octobre 2011

Citations et Définitions


CITATIONS  ET DEFINITIONS
LA JUSTICE

1 –INTRODUCTION : citations et définitions
1 - Droit naturel : jusnaturalis
Antigone : «  je n’ai pas cru que tes édits pussent l’emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux »

 Droit positif :
 Il s'agit de la loi écrite considérée comme une convention, comme un artifice inventé par les hommes pour établir un ordre et faire respecter la justice dans la société. Il s'agit de l'ensemble des lois en vigueur dans une société donnée, lois qui sont consignées dans des codes juridiques.

Droit naturel :
Il s'agirait en quelque sorte du droit véritable, de l'essence même du droit dont devrait s'inspirer le législateur pour établir des lois justes. Ce droit serait en quelque sorte inscrit dans un ordre transcendant (ordre divin surnaturel, extérieur à l’homme), dans un ordre cosmique (justice = conformité harmonie / injustice = rupture et  désharmonie), dans l’ordre même de la nature ( ordre naturel : justice naturaliste  =  rapport de forces))   ou  dans la nature de l'homme( ordre intérieur = justice anthropologique )
Kelsen – Théorie pure du droit :
« Prétendant trouver des normes juridiques dans la nature, la doctrine du droit naturel se fonde sur une interprétation religieuse ou socio-normative de la nature. Celle-ci aurait pris naissance sur ordre de Dieu (« que la lumière soit et la lumière fut ») et elle serait soumise à sa volonté comme l’homme est soumis aux normes juridiques. Il n’y aurait ainsi aucune différence entre la nature et la société, faute de savoir distinguer ce qui est et ce qui doit être. »

Platon : la République
Dans son sens le plus profond, l’idée de justice enveloppe l’idée d’une harmonie avec toutes choses, d’une harmonie avec le Cosmos. La vertu de justice fait écho à l’Ordre présent dans la Nature et à celui présent dans la Cité : « Aux uns, il convient par nature de goûter la philosophie et de commander dans la cité, aux autres de ne pas y toucher et de se soumettre à celui qui commande » -République, IV).
Le discours de Calliclès       tel qu'il est présenté dans un dialogue de Platon intitulé le Gorgias. : `` La loi est faite par les faibles et par le plus grand nombre. C'est donc par rapport à eux mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils font la loi et qu'ils décident de l'éloge et du blâme.  Voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour dépasser le niveau commun, et c'est cela qu'on appelle l'injustice. Mais la nature elle-même, selon moi, nous prouve qu'en bonne justice celui qui vaut le plus doit l'emporter sur celui qui vaut le moins, le capable sur l'incapable ».
Aristote distingue la justice commutative (ou corrective) et la justice distributive. La première vise à ce que chacun perçoive l’équivalent de ce qu’il a donné dans ses transactions, elle repose sur l’égalité. La seconde vise à la répartition des avantages parmi les membres de la cité, elle repose sur la proportionnalité suivant laquelle chacun reçoit selon son mérite « Telle est la nature de l’équitable : c’est d’être un correctif à la loi, là où la loi a manqué de statuer à cause de sa généralité. » Aristote, Ethique à Nicomaque

ð la justice distributive : Le juste consiste à traiter de manière égale les choses égales et de manière inégale les choses inégales. L’équité est alors une forme de justice supérieure à celle qui se contenterait d’appliquer la loi. La justice relève non seulement du juste, comme norme, c’est-à-dire comme loi, mais du jugement. C’est pourquoi le légalisme est ici insuffisant.

ð Une norme absolue, rendant possible l'évaluation de tout système de loi existant, ici ou là, et constituant le droit positif. La légitimité de la théorie de l'existence d'un droit naturel se fonde sur un certain nombre d'arguments ; l'un d'entre eux est le constat que les lois elles-mêmes peuvent bien parfois se révéler injustes. La nécessaire distinction entre légalité et légitimité présuppose implicitement qu'il existe un « étalon » de mesure à l'aune duquel les systèmes de loi historiquement constituée peuvent être estimés, jugés, critiqués. La loi n'est pas nécessairement juste, la légalité ne coïncide pas nécessairement avec idéal de justice.

Léo Strauss, Droit naturel et Histoire,
« S’il n’y a pas d’étalon plus élevé que l’idéal de notre société, nous sommes parfaitement incapables de prendre devant lui le recul nécessaire au jugement critique. Mais le simple fait que nous puissions nous demander ce que vaut l’idéal de notre société montre qu’il y a dans l’homme quelque chose qui n’est point totalement asservi à sa société et par conséquent que nous sommes capables, et par là obligés, de rechercher un étalon qui nous permette de juger de l’idéal de notre société comme de toute autre. Cet étalon ne peut être trouvé dans les besoins des différentes sociétés »
2 - Droit naturaliste :
Spinoza , Traité Théologique et Politique, Chapitre 16
"Par droit ou loi d'institution naturelle, je désigne les règles de la nature de chaque type réel, suivant lesquelles nous concevons chacun d'entre eux comme naturellement déterminé à exister et à agir d'une certaine manière. Par exemple, les poissons sont déterminés, de par leur nature, à nager et les plus gros à manger les petits; en conséquence, les poissons sont maîtres de l'eau et les plus gros mangent les petits, d'après un droit naturel souverain". Le naturalisme compris à la façon de Calliclès est même le comble du cynisme et de l’amoralisme : il se réduit en fait à la loi du plus fort. Pour Calliclès, les lois égalitaires ne sont que des conventions arbitraires, des artifices contre-nature, partant injustes et absurdes. Le droit naturel, pour lui, c’est l’a-nomie,  l’absence de loi
Hobbes, De Cive, XII, 1
"les règles du juste et de l'injuste, de l'honnête et du déshonnête, (sont) des lois civiles, et par conséquent, on doit tenir pour bien ce que le législateur ordonne et pour mal ce qu'il défend".
ð la force ne se suffit jamais à elle-même. Elle a besoin du droit. Comme le dit Pascal, la force sans la justice est tyrannique, la justice sans la force est impuissante. Ce qui rend la force faible, c’est que par elle-même, elle est incapable de fonder la moindre obligation. La force est une puissance physique et non une autorité morale. Elle n’impose qu’une contrainte et une contrainte qui ne vaut que le temps où l’homme plie pour s’y soumettre, car sitôt qu’il peut la renverser, il le fera. Ce qui manque à la force, c’est une vraie justification morale au regard de celui sur qui elle s’exerce.
3 - L’argument conventionnaliste
 Pascal, Pensées, fr 60
« le droit a ses époques / Tout branle avec le temps/  La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue; c'est le fondement mystique de son autorité. / Qui la ramène à son principe, l'anéantit./ Rrien suivant la seule raison, n'est juste de soi;/ »
Louis Ferdinand CELINE – Voyage au bout de la nuit –
« Donc pas d’erreur? Ce qu’on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n’était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu’on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C’était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre ! »
ð  Droits et devoirs n'ont aucune valeur universelle, car ce qui est valable pour les uns ne l'est pas pour les autres.
ð Le positivisme juridique : le droit positif se fonde lui-même -et c'est une garantie d'objectivité et d'efficacité du droit. Il ne doit pas être référé au droit naturel.

                      « La devise de l'équité est donc assurément : "le droit le plus strict est la plus grande injustice", mais on ne peut remédier à ce mal par la voie du droit, bien que ce qui est ici en jeu soit une exigence du droit, parce que celle-ci relève uniquement du tribunal de la conscience, alors que toute question de droit doit être portée devant le tribunal civil. (…) l'équivoque provient de la confusion des principes objectifs avec les principes subjectifs de l'exercice du droit (devant la raison et devant un tribunal) »
Hobbes, De Cive, § 2  =>  légitimité de la force :
"si j'ai l'ordre de faire une chose qui est une faute pour celui qui l’ordonne, je ne commets point de faute en l'exécutant, pourvu que celui qui m'en donne l'ordre soit mon supérieur légitime. »
4 - Idéalité de la justice fondée sur un principe universel
Si donc elle est de l’ordre de l’idéal, et non du réel, alors la justice n’« existe » pas ; et c’est pourquoi « il faut la faire », note  Alain : « La justice n’existe point ; [elle] appartient à l’ordre des choses qu’il faut faire justement parce qu’elles ne sont point. » « […] Je me garderai, insistera-t-il encore, dans ses Eléments de philosophie, de considérer jamais la justice comme quelque chose d’existant qu’il faut accepter ; car la justice est une chose qu’il faut faire et refaire […] ».
ð l’homme est cet animal qui est capable de poser des conventions et d’y obéir, à tort ou à raison. C’est donc une définition de l’humanité comme auto-nome, c’est-à-dire comme législatrice en général, comme universellement capable de légiférer et  d’établir des conventions, bref de s’imposer à elle-même (autos) des règles (nomoï), fût-ce arbitrairement, fût-ce déraisonnablement, fût-ce par pur caprice ou pure fantaisie ;
ð  Montesquieu choisit précisément d’écarter dans L’Esprit des lois : « […] j’ai cru que, dans cette infinie diversité de lois et de mœurs, [les hommes] n’étaient pas uniquement conduits par leurs fantaisies […] La loi, en général, est la Raison humaine, en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la Terre ; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s’applique cette raison humaine. »
Emmanuel Kant, Métaphysique des moeurs, Première section, 1797
Agir moralement c’est agir par devoir, obéir à la loi morale parce qu’elle est la loi morale c’est-à dire
un principe d’action contribuant à la construction d’une véritable communauté humaine, c’est-à- dire  
composée d’êtres raisonnables.
ð « C’est pourquoi se représenter la loi en elle-même, ce qui à coup sûr n’a lieu que dans un être raisonnable, et faire de cette représentation, non de l’effet attendu, le principe déterminant de la volonté, cela seul peut constituer ce bien si excellent que nous qualifions de moral, présent déjà dans la personne même qui agit selon cette idée, … il ne reste plus que la conformité universelle des actions à
ð la loi en général, qui doit seule lui servir de principe ; en d’autres termes, je dois
ð    toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle. »
5 - La Justice du cœur : la seule vraie justice possible
Paul Ricoeur Le Juste  , Paris, Éditions Esprit, 2001
La justice institutionnalisée, en tant qu’elle établit un tiers entre l’offenseur et sa victime, est précisément ce qui tente de séparer la justice de la vengeance, opérant en cela un déplacement de la violence du privé vers le public, laquelle violence doit, par le procès, être transformée en discours argumenté soumis à l’interprétation. Malgré cela persiste la violence à l’origine et à la fin du processus ; à l’origine parce que l’État détient le monopole de la violence légitime et à la fin parce que la sentence exerce un pouvoir sur la liberté de l’offenseur, ajoutant en cela une souffrance à la souffrance initiale : « l’imposition d’une sentence pénale, écrit P. Ricoeur, consiste en une sorte de violence légale qui réplique, au terme d’un processus entier, à la violence primaire de laquelle tout État de droit procède dans des temps plus ou moins éloignés »

L’excuse et le pardon
L’excuse consiste à invoquer un certain nombre de causes, de raisons, visant à atténuer la lourdeur de la faute commise Dans son versant juridique, l’excuse s’assimile aux circonstances atténuantes.
En cherchant à le comprendre, l’excuse reconnaît et accepte que l’accusé soit en quelque sorte mis hors de cause, comme le rappelle l’étymologie : ex-causaSi l’excuse demeure une catégorie juridique, le pardon apparaît d’emblée comme extra-juridique : le pardon échappe à l’ordre juridique qu’il surplombe. L’excuse se situe encore sur le plan de la justice compensatrice.
Avec le pardon, nous sortons de la stricte logique de l’équivalence pour entre dans la logique de la surabondance (dans pardon il y a don).
Le pardon est gratuit, il ne saurait être ordonné. C’est ce qui explique qu’il n’est pas le fait d’institutions judiciaires. Il s’agit toujours d’une libre décision de celui qui pardonne.
Paul Ricoeur souligne qu’entre ces deux pôles que sont la faute et le pardon on peut parler d’une différence d’altitude, d’une disparité verticale : profondeur et abîme de la faute, hauteur du pardon. L’énigme du pardon réside dans cette trajectoire : en bas la faute et son aveu, en haut l’octroi du pardon. Car le pardon n’est pas l’oubli ou l’effacement du passé. Le pardon suppose toujours la mémoire. Pour avoir à pardonner, il faut se souvenir.

A la différence de l’amnistie qui lève la peine, le pardon, pour qu’il puisse s’exercer, suppose que la justice soit passée, il ne consiste pas à lever la sanction punitive, à ne point punir là où on peut et on doit punir. Ainsi ce n’est pas au juge de pardonner au coupable : celui-ci doit être impartial, il peut faire preuve d’équité, mais il n’a pas à se montrer compatissant. La seule personne qui soit habilitée à pardonner est la victime.

 Pour être juste il ne suffit pas de ne pas être injuste : la justice du cœur = la vraie justice

Être bon c'est aller au-delà de la justice rétributive. Pour faire un acte juste il ne suffit pas de ne pas commettre d'injustice ni de réparer une injustice par l'application de la justice (la prison ne rend pas le monde meilleur)

Comment éradiquer l'injustice ? Il faut vouloir un monde  bon et pour cela être animé d'une volonté bonne donc vouloir le bien d'autrui plus que soi. Mais pour cela il faut l'aimer donc l'amour d’autrui permet d'aller au-delà de la simple justice rétributive.
Le simple exercice de la justice est statique, il est insuffisant pour transformer le monde en monde juste et la bonté exige aussi la justice sinon c'est le chaos. Dans  Steinbeck la bonté meurt avec elle-même.

Il faut plus que la justice pour qu’advienne la justice, l'avènement de la justice ne peut pas être statique il faut envisager la justice comme une fin et pas seulement comme un moyen. Il faut donc croiser la valeur justice avec une autre valeur, au-delà de l'idée d'un ordre du monde juste. il faut donc une autre valeur que la justice politique, il faut un horizon éthique à la justice.



II – CITATIONS PASCAL


1.     Nous voguons sur un milieu vaste, toujours incertain et flottant, poussés d'un bout vers l'autre. Quelque terme où nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte et si nous le suivons, il échappe à nos prises, nous glisse et fuit d'une fuite éternelle. Rien ne s'arrête pour nous. C'est l'état qui nous est naturel, et toutefois le plus contraire à notre inclination ; nous brûlons de désir de trouver une assiette ferme, et une dernière base constante pour y édifier une tour qui s'élève à l'infini ; mais tout notre fondement craque, et la terre s'ouvre jusqu'aux abîmes. (B 72)

2.     La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses. (B 82)

3.     Qui dispense la réputation ? qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Combien toutes les richesses de cette terre [sont] insuffisantes sans son consentement ! (B 82)

4.     L'affection ou la haine change la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu'il plaide ! Combien son geste hardi le fait-il paraître meilleur aux juges, dupés par cette apparence ! Plaisante raison qu'un vent manie, et à tous sens ! (B 82)

5.     Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines, dont ils s'emmaillotent en chats fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lis, tout cet appareil auguste étit fort nécessaire ; et si les médecins n'avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n'eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n'auraient dupé le monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. […] Nous ne pouvons pas seulement voir un avocat en soutane et le bonnet en tête, sans une opinion avantageuse de sa suffisance. (B, 82)

6.     L'imagination dispose de tout ; elle fait la beauté, la justice, et le bonheur, qui est le tout du monde. (B, 82)

7.     La justice et la vérité sont deux pointes si subtiles, que nos instruments sont trop mousses pour y toucher exactement. S'ils y arrivent, ils en écachent la pointe, et appuient tout autour, plus sur le faux que sur le vrai. (B, 82)

8.     Qu'est-ce que nos principes naturels, sinon nos principes accoutumés ? Et dans les enfants, ceux qu'ils ont reçus de la coutume de leurs pères, comme la chasse dans les animaux ? (B, 92)

9.     La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l'esprit par les raisons, et dans le coeur par la grâce. Mais de la vouloir mettre dans l'esprit et dans le coeur par la force et par les menaces, ce n'est pas y mettre la religion, mais la terreur, terrorem potius quam religionem. (B, 185)

10.  Mien, tien. « Ce chien est à moi », disaient ces pauvres enfants. « C'est là ma place au soleil. » Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre. (B, 295)

11.  Quand il est question de juger si on doit faire la guerre et tuer tant d'hommes, condamner tant d'Espagnols à la mort, c'est un homme seul qui en juge et encore intéressé : ce devrait être un tiers indifférent. (B, 296)

12.  Veri juris. Nous n'en avons plus ; si nous en avions, nous ne prendrions pas pour règle de justice de suivre les moeurs de son pays. (B, 297)

13.  Justice, force. Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.
14.  La justice est sujette à dispute, la force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. (B, 298)

15.  Les seules règles universelles sont les lois du pays aux choses ordinaires, et la pluralité aux autres. D'où vient cela ? De la force qui y est. Et de là vient que les rois, qui ont la force d'ailleurs, ne suivent pas la pluralité de leurs ministres.
16.  Sans doute, l'égalité des biens est juste ; mais, ne pouvant faire qu'il soir force d'obéir à la justice, on a fait qu'il soit juste d'obéir à la force ; ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force, afin que le juste et le fort fussent ensemble, et que la paix fût, qui est le souverain bien. (B, 299)

17.  Le chancelier est grave et revêtu d'ornements, car son poste est faux ; et non le roi : il a la force, il n'a que faire de l'imagination. Les juges, médecins, etc., n'ont que l'imagination. (B 307)

18.  Justice. Comme la mode fait l'agrément, aussi fait-elle la justice. (B 309)

19.  La justice est ce qui est établi ; et ainsi toutes nos lois établies seront nécessairement tenues pour justes sans être examinées, puisqu'elles sont établies. (B 312)

20.  Opinions du peuple saines. Le plus grand des maux est les guerres civiles. Elles sont sûres, si on veut récompenser les mérites, car tous diront qu'ils méritent. Le mal à craindre d'un sot, qui succède  par droit de naissance, n'est ni si grand, ni si sûr. (B, 313)

21.  Les choses du monde les plus déraisonnables deviennent les plus raisonnables à cause du dérèglement des hommes. Qu'y a-t-il de moins raisonnable que de choisir, pour gouverner un Etat, le premier fils d'une reine ? L'on ne choisit pas pour gouverner un bateau celui des voyageurs qui est de meilleure maison. Cette loi serait ridicule et injuste ; mais parce qu'ils le sont et le seront toujours, elle devient raisonnable et juste, car qui choisira-t-on ? Le plus vertueux et le plus habile ? Nous voilà incontinent aux mains, chacun prétend être ce plus vertueux et ce plus habile. Attachons donc cette qualité à quelque chose d'incontestable. C'est le fils aîné du roi ; cela est net, il n'y a point de dispute. La dispute ne peut mieux faire, car la guerre civile est le plus grand des maux. (B 320)

22.  Montaigne a tort : la coutume ne doit être suivie que parce qu'elle est coutume, et non parce qu'elle soit raisonnable ou juste ; mais le peuple la suit par cette seule raison qu'il la croit juste. Sinon, il ne la suivrait plus, quoiqu'elle fût coutume ; car on ne veut être assujetti qu'à la raison ou à la justice. La coutume, sans cela, passerait pour tyrannie ; mais l'empire de la raison et de la justice n'est non plus tyrannique que celui de la délectation ; ce sont les principes naturels à l'homme.
23.  Il serait donc bon qu'on obéît aux lois et aux coutumes, parce qu'elles sont lois ; qu'il sût qu'il n'y en a aucune vraie et juste à introduire, que nous n'y connaissons rien, et qu'ainsi il faut seulement suivre les reçues : par ce moyen, on ne les quitterait jamais. Mais le peuple n'est pas susceptible de cette doctrine ; et ainsi, comme il croit que la vérité se peut trouver, et qu'elle est dans les lois et coutumes, il les croit, et prend leur antiquité comme une preuve de leur vérité (et non de leur seule autorité sans vérité). Ainsi il y obéit ; mais il est sujet à se révolter dès qu'on lui montre qu'elles ne valent rien ; ce qui se peut faire voir de toutes, en les regardant d'un certain côté. (B, 325)

24.  Injustice. Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n'y obéit qu'à cause qu'il les croit justes. C'est pourquoi il faut lui dire en même temps qu'il faut y obéir parce qu'elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu'ils sont justes, mais parce qu'ils sont supérieurs. Par là, voilà toute sédition prévenue si on peut faire entendre cela, et que proprement [c'est] la définition de la justice. (B, 326)

25.  Le monde juge bien des choses, car il est dans l'ignorance naturelle, qui est le vrai siège de l'homme. (B, 327)

26.  La tyrannie consiste au désir de domination, universel et hors de son ordre.[...] La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu'on ne peut avoir que par une autre. On rend différents devoirs aux différents mérites : devoir d'amour à l'agrément ; devoir de crainte à la force ; devoir de créance à la science. On doit rendre ces devoirs-là, on est injuste de les refuser, et injuste d'en demander d'autres. (B, 332)

27.  Raison des effets. Il faut avoir une pensée de derrière, et juger de tout par là, en parlant cependant comme le peuple.(B, 336)

28.  Les vrais chrétiens obéissent aux folies néanmoins ; non pas qu'ils respectent les folies, mais l'ordre de Dieu, qui, pour la punition des hommes, les a asservis à ces folies. (B, 338)

29.  Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n'est que l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute. (B, 339)

30.  Instinct et raison, marques de deux natures. (B, 344)

31.  Roseau pensant. Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité, mais c'est du règlement de ma pensée. Je n'aurai pas davantage en possédant des terres : par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends. (B, 3458)

32.  L'esprit de ce souverain juge du monde n'est pas si indépendant, qu'il ne soit sujet à être troublé par le premier tintamarre qui se fait autour de lui. Il ne faut pas le bruit d'un canon pour empêcher ses pensées : il ne faut que le bruit d'une girouette ou d'une poulie. Ne vous étonnez pas s'il ne raisonne pas bien à présent ; une mouche bourdonne à ses oreilles ; c'en est assez pour le rendre incapable de bon conseil. Si vous voulez qu'il puisse trouver la vérité, chassez cet animal qui tient sa raison en échec et trouble cette puissante intelligence qui gouverne les villes et les royaumes. (B, 366)

33.  Ce qui m'étonne le plus est de voir que tout le monde n'est pas étonné de sa faiblesse. On agit sérieusement et chacun suit sa condition, non pas parce qu'il est bon en effet de la suivre puisque la mode en est ; mais comme si chacun savait certainement où est la raison et la justice. (B, 374)

34.  [J'ai passé longtemps de ma vie en croyant qu'il y avait une justice ; et en cela je ne me trompais pas  ; car il y en a, selon que Dieu nous l'a voulu révéler. Mais je ne le prenais pas ainsi, et c'est en quoi je me trompais, car je croyais que notre justice était essentiellement juste et que j'avais de quoi la connaître et en juger. Mais je me suis trouvé tant de fois en faute de jugement droit, qu'enfin je suis entré en défiance de moi et puis des autres. J'ai vu tous les pays et hommes changeants ; et ainsi, après bien des changements de jugement touchant la véritable justice, j'ai connu que notre nature n'était qu'un continuel changement, et je n'ai plus changé depuis ; et si je changeais, je confirmerais mon opinion.] (B, 375)

35.  Il n'est pas bon d'être trop libre. Il n'est pas bon d'avoir toutes les nécessités. (B, 379)

36.  La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable. (B, 397)

37.  Grandeur de l'homme dans sa concupiscence même, d'en avoir su tirer un règlement admirable, et d'en avoir fait un tableau de la charité. (B, 402)

38.  Car qui se trouve malheureux de n'être pas roi, sinon un roi dépossédé ? (B, 409)

39.  S'il sa vante, je l'abaisse ; s'il s'abaisse, je le vante ; et le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible. (B, 420)

40.  Seconde partie. Que l'homme sans foi ne peut connaître le vrai bien, ni la justice. (B, 425)

41.  En un mot, le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu'il veut les asservir : car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. (B, 455)

42.  Il y a dans le monde deux sortes de grandeur ; car il y a des grandeurs d'établissement et des grandeurs naturelles. Les grandeurs d'établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains états et y attacher certains respects. Les dignités et la noblesse sont de ce genre. En un pays on honore les nobles, en l'autre les roturiers, en celui-ci les aînés, en cet autre les cadets. Pourquoi cela ? Parce qu'il a plu aux hommes. La chose était indifférente avant l'établissement : après l'établissement elle devient juste, parce qu'il est injuste de les troubler.
43.  Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indépendantes de la fantaisie des hommes, parce qu'elles consistent dans des qualités réelles et effectives de l'âme et du corps, qui rendent l'une ou l'autre plus estimable, comme les sciences, la lumière de l'esprit, la vertu, la santé, la force.
44.  Nous devons quelque chose à l'une et à l'autre de ces grandeurs ; mais comme elles sont d'une nature différente, nous leur devons aussi différents respects.
45.  Aux grandeurs d'établissement, nous leur devons des respects d'établissement, c'est-à-dire certaines cérémonies extérieures qui doivent être néanmoins accompagnées, selon la raison, d'une reconnaissance intérieure de la justice de cet ordre, mais qui ne nous font pas concevoir quelque qualité réelle en ceux que nous honorons de cette sorte. […] Second discours


46.  […] ne prétendez pas régner par une autre voie que celle qui vous fait roi. Ce n'est point votre force et votre puissance naturelle qui vous assujettit toutes ces personnes. Ne prétendez donc point les dominer par la force, ni les traiter avec dureté. Contentez leurs justes désirs, soulagez leurs nécessités ; mettez votre plaisir à être bienfaisant ; avancez-les autant que vous le pourrez, et vous agirez en vrai roi de concupiscence. Troisième discours




L’Orestie, d’Eschyle
Agamemnon
1.     « S’ils savent respecter les dieux de la cité qui règnent sur la terre conquise, s’ils respectent leurs temples, les vainqueurs ne seront pas pris à leur tour. » Annonce du pillage de Troie par les spartiates qui va mener à la punition de la part des dieux. Justice Divine
2.     « Car il n’existe aucun rempart autour de l’insolent gorgé de sa richesse s’il va ruer contre l’autel puissant de la Justice jusqu’à sa disparition. » Nul ne bafoue la Justice Divine.
3.     « Il se fige dans sa noirceur avant de subir la justice. » Idée d’épée de Damoclès,
4.     « Les Atrides défenseurs de la Justice. »  Se placent du coté de la justice, légitime la guerre et leur méfait.
5.     « On fait payer » Idée de justice, loi du talion, idée d’un dût. (p131 et 158)
6.     « Mais la justice luit dans les foyers fumant d’une pauvre fumée : elle honore les hommes qui observent sa règle. »
7.     « Mais s’il doit à présent acquitter le sang d’autrefois et mourant pour les morts recevoir d’autres morts en rançon » Loi du Talion.
8.     « Et s’il est une libation qui convienne à un tel cadavre, alors celle-ci est juste et plus que juste, tant cet homme dans ce palais avait rempli d’afflictions le cratère maudit qu’il vide à son retour. » Clytemnestre effectue un rite funèbre en versant sur Agamemnon le sang de ce dernier. Souffre comme tu as fait souffrir.
9.     « Son corps est mon chef-d’œuvre de justice. »
10.  « Ce que j’ai fait pour jouer les juges implacables » Clytemnestre ici se fait justice elle-même. La justice personnelle d’un l’homme lui semble toujours être ce qui est le plus juste. Opposition justice globale et justice personnelle.
11.  « Iphigénie, a mérité le sort qu’il lui a fait souffrir, alors il mérite le sien. » Un pour un, une expression de plus de la loi du Talion.
12.  « L’outrage répond à l’outrage » Sentence prononcée égale au mal provoqué.

Les Choéphores

1.     Coryphée Que tout mot de haine soit payé d'un mot de haine, voilà ce que la justice  de chacun exigeant son dû va clamant à grande voix. Et qu'un coup meurtrier soit puni d'un coup meurtrier: au coupable le châtiment, dit un adage trois fois vieux. 305
2.     Electre Je réclame justice contre l'injustice. 395
3.     Le meurtre appelle l'Erinyes pour qu'au nom des premières victimes elle fasse au malheur succéder le malheur.
4.     La force luttera contre la force et le droit contre le droit. 460
5.     Les enfants du héros sauvent son  nom de la mort. 505
6.     Le glaive aigu vise au cœur et le transperce au nom de la justice. Elle a tous les droits sur ceux qui contrent tout droit, ont foulé aux pieds et violé la pleine majesté de Zeus. 640
7.     tes paroles achèvent ma ruine. Oreste qui avait eu le flair de retirer son pied du bourbier sanglant – c'est le dernier espoir d'une pure allégresse capable de guérir à jamais ce palais et qu'elle efface691
8.     Toi qui habites l'édifice splendide bâti autour de la bouche terrible, fais que la maison d'un héros puisse enfin relever la tête et voir de ses yeux fidèles l'éblouissant soleil de la liberté succéder à ce voile de ténèbres816

9.     Souiller les glaives de sang pour la justice ou la perte du foyer d'Agamemnon855
10.  Serviteur: les morts frappent le vivant , je comprends le mot de l'énigme. 856
11.  Pylade : Mieux vaut avoir contre soi tous les hommes que tous les dieux. 900
12.  Oreste: ce n'est pas moi, c'est toi qui te tueras toi-même, le sort fait à mon père te condamne à la mort.

13.  Tu tuas ton époux, meurs sous le fer d'un fils930.
14.  Il pourra ainsi témoigner pour moi en justice que j'étais dans mon droit en poursuivant la vengeance jusqu'au meurtre d'une mère De cette victoire je ne garde pour moi qu'une atroce souillure. 980

15.  Coryphée: Aucun mortel ne traversera, sans payer sa part, une vie exempte de douleur. 1020


Les Euménides

1.     Oreste et les Erinyes :
« de leurs yeux coule une libation d’horreur
et leur parure ne se porte avec JUSTICE
ni devant les statues des dieux ni sous les toits des hommes. »

2.     (63). Apollon renouvelle sa confiance à Oreste. Les furies sont pour le moment endormies mais « ces vierges abominables » le traqueront à travers tout le continent. Il doit fuir. Apollon lui conseille d’aller à Athènes prier Pallas.
« Alors avec des juges et des paroles qui les charment
nous trouverons un moyen
de te délivrer tout à fait de tes épreuves,
puisque c’est moi qui t’ait poussé à tuer ta mère. »
Oreste en appelle à la justice d’Apollon :
« Seigneur Apollon, tu sais éviter l’INJUSTICE ;
toi qui le sais, apprends encore à éviter la négligence.
[distinction juridique entre l’acte injuste prémédité et la simple

3.     Antistrophe 2 : Les Erinyes reprochent aux jeunes dieux d’être complices des meurtres :
« Jeunes dieux, tels sont donc vos actes,
votre toute-puissance injuste
et le trône est trempé de meurtre
de sa tête à son pied,
l’ombilic de la terre,
je vois peser sur lui
la souillure horrible du sang. »

4.     Au moment de déployer son chant le coryphée défend sa conception de la justice :
« A notre avis, notre JUSTICE est droite :
celui qui tendra des mains pures,
notre courroux ne l’approchera pas, toute sa vie s’écoule intacte ;
mais face au criminel pareil à celui-ci,
dissimulant des mains sanglantes,
notre sûr témoignage vient assister les morts,
nous paraissons
pour qu’il s’acquitte pleinement du prix du sang. »

5.     Athéna : - Je dis que par serments l’INJUSTICE ne doit pas vaincre. »

6.     Elle confiera donc l’affaire à des juges respectueux de leur serment :
« qu’ils jurent d’assister la cause juste,
tandis que je vais choisir les meilleurs citoyens
afin qu’ils rendent leur verdict du fond d’une pensée sincère
et sans violer leur serment au mépris de toute JUSTICE. »
7.     « Parfois la crainte est un bienfait,
et pour veiller sur les pensées
il faut qu’elle y siège sans cesse.
Il est bon
que la douleur rende sage.
Quel mortel ou quelle cité,
si dans la lumière du monde
son cœur ne tremblait devant rien,
garderait autant de respect pour la JUSTICE ? »

8.     Strophe 3 : Il faut savoir associer la force et la mesure.
« Ni anarchie
ni despotisme –
(83)
n’approuve ni l’une ni l’autre.
Le dieu en toutes choses a concédé la force
à la mesure, qui toujours veille sur tout.
Ces mots, je les règle sur elle :
oui, l’excès est vraiment le fils
de l’impiété, mais de la pensée saine
naît le bienfait tant souhaité,
la bien-aimée prospérité. »

9.     Les Bienveillantes renonceront désormais à leur vengeance et demandent aux Moires, déesses du destin, …
« divinités dispensatrices d’équité (102)
prenant part à tous les foyers,
qui en tout temps faites sentir
le poids de vos justes présences,
hautement honorées parmi les dieux »

10.  « … bienveillance pour bienveillance,
rendez-leur d’éternels honneurs :
guidant la terre et la cité sur la droite voie de la JUSTICE,
à tous égards vous vous distinguerez. »
(103)




11.  Il est bon d'apprendre à être sage à l'école de la douleur. Qui donc, homme ou cité, s'il n'est rien sous le ciel dont la crainte habite en son âme, garderait le respect qu'il doit à la justice?La démesure est fille de l'impiété. 520
12.  Elle déploie sur lui un grand limon et frappe l'époux, puis dans le voile brodé comme en un piège sans issue. Voilà quelle fut la fin du héros auguste entre tous, du chef de l'armée navale. 632
13.  Une voix de plus relève une maison. 750
14.  Si votre amour à leur amour répond par d'éclatants et éternels hommages, vous vous montrerez au monde tous ensemble menant votre pays, votre peuple, par les chemins de la droite justice. 990
15.  Je vais vous conduire à la clarté de torches éclatantes. 1021
Justice garante de la prospérité : Leur présence parmi nous se manifeste en riches floraisons humaines.